Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la belle étoile sur ce qu’on venait d’entendre. C’était le feuilleton parlé, que j’imagine très supérieur à nos feuilletons écrits, quoique moins tendre aux auteurs. Mais les progrès de la locomotion ont révolutionné des habitudes que la Révolution avait respectées. C’est pourquoi ceux qui, le 20 août dernier, se rendirent à l’Opéra-Comique, c’est-à-dire à la Comédie-Française, pour y assister à la première représentation d’une pièce nouvelle et en vers, y allaient avec un peu de surprise mêlée d’un peu d’attendrissement et dans les dispositions les plus favorables.

Est-ce l’influence du milieu, l’obsession du cadre ? Il nous a semblé, en plus d’un endroit, que cette pièce de la Comédie-Française n’était pas déplacée dans le théâtre où les hasards d’une saison d’aventures et le marouflage du plafond de M. Besnard l’ont amenée à recevoir l’hospitalité. C’est une pièce bretonne. La Bretagne avec cette atmosphère de brume qui invite à la rêverie, cette chanson de la mer tour à tour ensorceleuse et plaintive, et cette couronne de légendes, et ce pittoresque d’un costume qui s’en va, est le pays sans rival pour fournir aux pièces de théâtre un décor poétique. Dans Yvonic, si tous les hommes sont marins, toutes les femmes sont blanchisseuses ; et cela ne détonne pas sur une scène où on a vu des midinettes. La situation est des plus romanesques et par cela même prête à un certain lyrisme. Les personnages parlent une langue familière et pourtant fleurie, très propre à ce genre de versification où excellent les librettistes. Tout cela forme un ensemble légèrement désuet, auquel il est vrai qu’on se prend parfois à souhaiter l’accompagnement d’une musique qui, au moins, ne serait pas la musique de l’avenir.

Aimez-vous à pleurer au théâtre ? Cela va sans dire. Vous aimerez donc le premier acte d’Yvonic qui est, depuis qu’on fait des pièces de théâtre, l’acte où l’on pleure le plus sur la scène — et dans la salle. C’est un acte en pleurs, où les choses et les gens n’apparaissent que derrière une brume de larmes, et les mots ne s’entendent qu’à travers les sanglots qui les noient. C’est de la littérature mouillée. L’effet en est toujours grand sur le public. Comme vous le savez déjà, maman Rose est blanchisseuse. Dans la Bretagne traditionaliste et que les manières américaines n’ont pas encore complètement bouleversée, on lave le linge en famille : la même salle sert d’atelier pour les repasseuses. de salon pour les visiteurs et de chambre à coucher. Cela permet de jouer toute la pièce dans un même décor, comme au temps du théâtre classique, qui était le bon temps. Ces demoiselles bavardent tout le long de leur ouvrage, et nous démêlons dans leur bavardage que la