Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du XVIIIe siècle frivole. Au début du XIXe siècle, les églises gantoises commandent encore des œuvres importantes aux maîtres en renom : André Lens peint pour Saint-Michel une grande Annonciation hardie, gracieuse et curieusement éclairée, et le davidien Paelinck pour la même église son Invention de la Sainte Croix farcie de vaine science archéologique et d’élégance impériale, pesante et criarde à côté du van Dyck, mais qui en impose par sa conscience et même par sa pompe où se réfléchit la force d’une époque...


On s’adressait autrefois pour l’embellissement des édifices aux artistes originaux, à ceux que leurs pairs tenaient pour des maîtres. Cette tradition fut fidèlement respectée à Gand pendant plusieurs siècles, et il y a cent ans à peine, l’art gardait encore sa pleine valeur sociale dans la ville de Hubert van Eyck et de Hugo van der Goes. Ce centre plus que jamais actif, entreprenant, riche, est resté propice aux efflorescences artistiques. Tours, clochers, pignons, places, canaux séculaires ont à Gand comme à Bruges la plus grave éloquence ; de celle-ci les dilettantes ne sont pas seuls à jouir. Elle porte les hommes de la cité, de Heeren van Gent, à l’action. Architectes, peintres, sculpteurs gantois sont au premier rang de l’école belge, et certains jouent un rôle marquant dans la rénovation de l’art décoratif. Seulement, ici, comme ailleurs, on croit trop que peinture et sculpture sont faites pour les musées. La pinacothèque moderne de Gand est extrêmement remarquable ; mais pour l’amour des grandes traditions flamandes, on souhaiterait que des peintures d’un Claus, les sculptures d’un George Minne s’ajoutassent au trésor des édifices gantois. Le respect du patrimoine ancien ne doit pas entraîner la méconnaissance des forces modernes. C’est surtout dans la ville où fut écrite la Bible de l’art flamand qu’on devrait s’en souvenir ; notre ferveur pour les maîtres de l’Agneau n’en serait point diminuée ; et quel pas décisif pourrait être accompli vers la rédemption de l’art moderne !


FIERENS-GEVAERT.