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rencontre à chaque pas, l’un des meilleurs est celui du Musée : Saint Joseph couronné par l’Enfant Jésus, habile, clair, sinon très personnel.

Nous abuserions en énumérant les œuvres des Le Plat, de Godefroi Maes (un Crayer maniéré), de van Huile, de R. van Audenearde, de Louis Primo surnommé Gentil, qu’on voit à Gand (de ce dernier le Raymond de Pennafort et le Saint Charles Borromée du Musée retiennent l’attention par leur coloris à la fois mat et irisé, d’un impressionnisme tout moderne). Arrêtons-nous plutôt un instant devant une peinture sévillane du XVIIe siècle qui n’est au Musée que depuis 1905 : Repas frugal, « un de ces bodegones tels que les peignait à Séville dans sa jeunesse l’illustre Velazquez auquel bien des traits font songer. » Trois personnages autour d’une table au tapis troué, quelque vieux muletier en longue capa, son fils et sa femme qui nous fixe bonassement comme pour dire avec le ton de Thérèse Sancho : « Il y a deux familles, ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. Nous sommes de la seconde et faute de carpe, nous mangeons du fretin. » Et de fait leurs écuelles s’emplissent de choses indistinctes... Du XVIIIe siècle, le Musée détient encore un Philippe de Champaigne de haute qualité (Portrait de Pierre Camus, évêque de Belley et d’Arras), une Échoppe de poissons, d’Adrien van Utrecht (l’une des plus extraordinaires natures mortes de l’école anversoise), et quelques toiles hollandaises d’un intérêt capital : une des rares Études conservées de Nicolas Berchem (Animaux), un Portrait de dame âgée de Frans Hals, un Portrait de jeune femme inachevé, de la plus éclatante beauté et d’une main inconnue (Carel Fabritius ?), d’une main qui peignit avec passion ce visage de suprême fraîcheur.

Qu’on nous pardonne le désordre de ces dernières mentions. Mais n’est-il pas à l’image du pêle-mêle des musées ? Un vaste tableau s’impose parmi les grandes toiles fatigantes qui tapissent la trop grande partie de la pinacothèque : une admirable Présentation au Temple de Pierre Verhagen (1728-1811). Elle fut peinte en 1767 pour l’église des Dominicains. C’est peut-être le chef-d’œuvre d’un maître qui sut dépenser une énergie extraordinaire dans ses peintures hâtives. On a dit de Verhagen qu’il était le Tiepolo de l’école flamande. Il en est plutôt le Calabrese ou le Luca Giordano, et la superbe furia de ce Brabançon est d’autant plus surprenante qu’elle éclate à la fin