Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui épouse une haute paroi ogivale, joue le Tintoret avec ses fonds gris ardoisés, la gloire dorée de son Christ, le mouvement des figures allongées. C’est une œuvre inattendue, très distante de Rubens. On ne saurait dire pourtant que Rose échappe à l’action du maître anversois. Pour l’ordonnance de son Saint Ambroise (église Saint-Jacques) il se souvient du Rubens de Saint-Bavon ; dans sa Sainte Famille du Musée, les lumières d’argent et les anges sont un hommage à l’ancien compagnon d’études devenu le chef de l’école. Mais les réminiscences rubéniennes sont l’exception chez l’artiste gantois. Le Bon Samaritain de Saint-Nicolas se rapproche des Bolonais, et comment ne point songer encore au Tintoret devant le Saint Michel de la même église, si plein de mouvement et si nettement enlevé dans sa lumière vibrante ? (C’est le tableau que Rubens ne put accepter de peindre et certes il fit bien de recommander Rose.) Les fonds dorés de la Trinité et du Saint Michel (église Saint-Nicolas), du Couronnement et de la Glorification de la Vierge (Musée), de l’Assomption (Saint-Bavon), ne sont-ils pas ceux-là mêmes qu’il arrive au Guide de peindre ? Tout cet éclectisme, qu’on enseignait chez Otto Vœnius et que Rubens transformait en harmonies vivantes, n’épargne point à Liemakere les insuccès d’une imagination pauvre. Sa Prédication de saint François-Xavier de l’église Saint-Pierre est une décoration assez grossière ; sa Présentation au Temple du Petit Béguinage, une page creuse, malgré la jolie petite Vierge en satin blanc et manteau azur. L’œuvre de Rose trouve de l’unité dans un coloris où les bruns et les noirs se pénètrent d’une poussière d’or, — ce qui donne parfois à sa peinture un curieux avant-goût des harmonies de Murillo, — et aussi dans la grâce personnelle et un peu molle des figures de Vierges et d’anges. Son type de madone à chevelure mousseuse et négligemment répandue est fort séduisant et se discerne à première vue (Sainte Famille et Couronnement de la Vierge au Musée, Assomption de Saint-Bavon). Ses anges ne sont pas indignes du XVIIe siècle qui en créa de si beaux. Ils accompagnent en foule leur Reine dans la grande Assomption de Saint-Bavon et dans la Vision de saint Hyacinthe (musée), et leur grâce lumineuse comme aussi le visage idéalisé de la Madone font de ces pages décoratives de belles images religieuses.

Rose disparu, Gand dut accueillir avec empressement l’infatigable