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un grand nombre, malgré la suppression de maints édifices religieux. Nous ne pourrions plus leur accorder une attention aussi exclusive que celle de M. Descamps, peintre du Roy ; nous aurions tort de les passer sous silence. La grande école d’Anvers eut de florissantes filiales à Bruxelles, Bruges, Liège, Gand et dans cette dernière ville comme ailleurs les confréries religieuses, les patriciens, le peuple mirent un zèle sans borne à restaurer le culte et à l’entourer de toute la pompe du siècle. Rubens, sollicité de partout, priait qu’on fit travailler ses confrères. Il n’exécuta que deux toiles pour Gand. Celle de la cathédrale est célèbre ; c’est le Saint Bavon se retirant du monde. Le maître en voulait faire un triptyque et sa grande esquisse, — que les directeurs de la National-Gallery ont eu bien raison de placer en évidence, — prouve à quel point il était sincère en affirmant dans une lettre à l’archiduc Albert que l’œuvre serait de ses meilleures. Mais ramassant les trois parties en une seule, le tableau définitif n’a plus l’ampleur et la variété de la conception primitive. Le Rubens de Gand est un beau Rubens, mais non l’un des plus beaux. Dans la partie supérieure le groupe des prélats mitrés oppose ses lignes calmes à l’élan du guerrier cuirassé et vêtu d’un manteau rouge ; dans le bas, des femmes s’attendrissent noblement sur le héros et voisinent avec les mères, les enfans, un vieillard pressés en masses fébriles autour du distributeur des biens. Tout Rubens est dans ces contrastes. Quelle solennité glaciale en revanche dans la Résurrection de Lazare, d’Otto Vœnius, placée dans la même chapelle ! Et pourtant le maître de Rubens a soigné son ouvrage plus encore que de coutume. Mais quelle pauvreté dans cet éclectisme ! C’est Rome sans la grandeur, Venise sans la couleur, Bologne sans la ferveur, la Flandre sans âme. — A l’église Saint-Michel est un Christ à l’Éponge de van Dyck. Les couleurs noirâtres de cette œuvre ont toujours étonné : « Ce qui achève de répandre un sombre sur le tout ensemble, dit Descamps, c’est le défaut de goût de ceux qui ont fait peindre l’autel en blanc ; le tableau y fait tache. » Transportée au transept, l’œuvre n’a plus à lutter avec tels voisinages ; elle est toujours sombre. En réalité, van Dyck chérissait ce deuil universel pour ses compositions religieuses. Celle de Gand en plus est très mal conservée. Nous l’aimons néanmoins pour son Christ aux traits fins, aux lignes nerveuses, pour sa Vierge charmante