Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Palermo représenté au Musée par un triptyque lourd et opaque, et le grand artiste formé à Venise, Martin de Vos, qui, à l’opposé de Palermo, reste clair jusqu’à la transparence dans sa remarquable Famille de sainte Anne du Musée (1585). Gand fit même appel au savant et terrible Martin van Heemskerk ; son Crucifiement du Musée (1583) au ciel blafard, aux figures contournées, vient d’une abbaye gantoise. Ce n’est plus aux van Eyck, ni à van der Goes que l’on songe ; le baroque italien fait une première apparition dans notre art. On sait le repos que procure après ces exhibitions anatomiques quelques calmes portraits contemporains. Cette joie est donnée au musée de Gand par une excellente Tête de femme de François Fourbus le vieux et un vivant Buste d’homme d’Adrien Key.

L’indifférence des pouvoirs à l’égard des artistes gantois paraît justifiée, si l’on en juge d’après les restes de l’énorme retable (Vies de Jésus et de la Vierge, musée) que l’on a quelque envie de mettre au compte d’un disciple gantois de Frans Floris, Benjamin Sammeling, et d’après le retable du gantois Luc Horenbault conservé à l’église du Petit Béguinage et daté 1595. Pourtant, le sujet principal de cette dernière œuvre impose le souvenir des peintres de l’Agneau : au centre, la Fontaine de vie, sur l’un des volets l’Adoration du saint Sacrement par Grégoire le Grand, sur l’autre David rentrant avec l’arche à Jérusalem. Œuvre d’apologétique naïve où l’intérêt folklorique se substitue à l’art absent. S’il fallait absolument y découvrir des signes de l’esprit gantois, je noterais la pointe d’humour qu’apporte dans le groupe des hérétiques la présence d’une belle jeune femme flanquée d’un démon et tenant boutique de frivolités sous la pancarte aguichante : Compt al by en Koopt my ; — Approchez tous et achetez.


On aurait fort surpris le peintre Descamps en lui prédisant qu’un peu plus d’un siècle après la publication de son Voyage pittoresque de la Flandre et du Bradant on parlerait surtout de ce qu’il avait dédaigné. Il consacre d’assez nombreuses pages à Gand et quelques lignes seulement au Retable de l’Agneau dont le grand mérite, dit-il, est d’être le premier tableau à l’huile. Les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles réclamaient toute son attention. Il y en avait beaucoup à Gand ; on en voit encore