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Frédéric de Montefeltre le manda pour décorer son Studio d’une série de portraits de grands hommes peints à l’huile. Mais le peintre gantois exécuta d’abord pour la confrérie du Corpus Christi une grande Cène que l’on n’avait pu obtenir de Piero della Francesca et pour laquelle Paolo Ucello avait déjà fourni une prédelle. Ce grand retable est toujours à Urbin ; on reconnaît l’enseignement de van Eyck dans l’architecture, de van der Goes dans les têtes d’apôtres et les mains, de Thierry Bouts dans les altitudes de certains assistans (l’un de ces derniers, Caterino Zeno, reproduit une figure du Martyre de saint Erasme de Louvain). Les vingt-huit portraits de philosophes, poètes, lettrés, Pères de l’Église que Josse peignit après la Cène sont moitié au Louvre, moitié au palais Barberini à Rome[1]. Ces images étaient fort appréciées au début du XVIe siècle. Le jeune Raphaël les étudia et les reproduisit dans des dessins qui sont à Venise.) C’est ainsi que le maître de l’École d’Athènes se rattache aux pères de l’école gantoise, inspirateurs de Giusto... Pour la seconde salle du Studio, Josse van Wassenhove peignit, vers 1476, la représentation des sept Arts libéraux. Frédéric, ses filles, des membres de sa famille servirent de modèles. Quatre seulement de ces allégories sont conservées : la Musique et la Rhétorique à la National Gallery, l’Astronomie et la Dialectique à Berlin. Attribuées longtemps à Melozzo da Forli, rendues à Giusto da Guanto, elles montrent des donateurs d’allure flamande agenouillés devant les Arts et les Sciences qu’incarnent de charmantes jeunes femmes, sœurs des belles Florentines de Botticelli et de Ghirlandajo. Nul peintre ne peut disputer à Josse van Wassenhove le titre de premier italianisant de l’école flamande. ;

Le peintre de la Cène d’Urbin n’est pas plus représenté à Gand que le grand Hugo van der Goes. Du moins lui a-t-on restitué un catalogue solide. D’autres maîtres gantois de ce temps connurent une grande notoriété : Daniel de Rycke, Jean et Gérard van der Meire. Mais où sont leurs œuvres ? Le dernier est un personnage mythique entre tous. Natif de Gand, mort après 1474, on lui attribua faussement les prophètes et les sibylles de l’Agneau ; on reconnut à tort en lui l’un des enlumineurs du Bréviaire Grimani (le Girardo de Guant de l’Anonyme de Morelli) ; enfin on a cessé de le tenir pour l’auteur d’un beau

  1. Le Louvre, sous la mention « Écoles d’Italie, » n’expose que quelques-unes des figures de Giusto qui sont en sa possession.