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subi l’emprise de Roger van der Weyden et des maîtres harlemois. Hugo van der Goes, né à Gand (on peut en croire un document contemporain), doyen de la gilde des peintres de 1474 à 1476, nous ramène aux cimes de l’inspiration flamande. Celui-là dut s’abîmer maintes fois dans la contemplation du polyptyque ; tout son œuvre garda l’empreinte d’une telle méditation. Et comme son âme brûlait d’une sensibilité extrême, il ajouta les trouvailles de son génie personnel aux splendeurs ressuscitées du Retable. Le premier dans l’art des Flandres, il sut unifier ses compositions non point par la seule intention religieuse, mais par les relations humaines des personnages entre eux, par la vie morale qui les anime vis-à-vis du sujet. Il alla plus loin que les van Eyck dans la voie de l’individualisation et son saint Antoine du triptyque des Portinari (Offices), tout en étant le portrait de l’ascétisme, est un vieillard plus personnel que les ermites du Retable. Les destins modernes du clair-obscur s’annoncent dans cette illustre tavola des Portinari, et les hommes de la glèbe font leur entrée dans la peinture. L’art de van der Goes connut aussi l’exquise détente des petites œuvres, ce qui sans doute influa sur la formation d’une école de miniaturistes gantois. De telles aspirations, de tels triomphes dépassaient la norme. La raison du maitre sombra... Je lis, dans l’excellent petit catalogue du musée de Gand, cette note sous le nom de Hugo : « Il est regrettable pour la ville de Gand qu’elle n’ait su conserver, ni reconquérir aucune de ses œuvres. Ni une statue, ni un monument n’y rappelle le plus illustre artiste qu’elle ait produit, alors que tant d’hommes de second rang y sont commémorés. » Van der Goes n’est représenté au musée de la ville que par une réplique d’un Christ mort porté au tombeau ; l’original peint à la détrempe et sur toile fut détruit dans l’incendie d’un palais à Gênes, à l’exception des têtes de la Vierge et de saint Jean (bibliothèque du collège de Christ Church à Oxford). Il existe de nombreuses répliques de ce Christ mort ; celle de Gand n’est pas des meilleures.

Il nous faut résister à la tentation de dire ici tout ce que l’on sait depuis peu de la curieuse activité d’un contemporain et ami de van der Goes que Vasari appelle Giusto da Guanto (Juste de Gand) et dont le vrai nom serait Josse van Wassenhove. Né entre 1430-33, maître à Anvers en 1460, puis à Gand en 1464, il partit entre 1468 et 1470 pour Rome d’où