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de ses Très belles Heures de Nostre-Dame. N’est-il l’auteur d’aucune des grandes figures du Retable ? Sûrement, le schéma des personnages monumentaux lui appartient ; mais le génie de Jean, d’une objectivité souveraine, a parachevé ces figures en y ajoutant l’agrément d’une technique infaillible. En quel endroit d’ailleurs reconnaît-on le style curviligne de l’aîné ? C’est à croire que tous les vêtemens, — sauf les armures des Chevaliers du Christ, — ont été refaits par le cadet, ou par d’habiles disciples d’après le système rectiligne de Jean. Que si l’on trouve aventureuse l’opinion qui veut que Jean ait marqué le chef-d’œuvre entier de son sceau, nous demanderons par quels procédés d’investigation on en vient à soutenir que les figures de l’Annonciation, à l’extérieur, furent laissées inachevées par Hubert et respectées par Jean, en hommage à l’imperfectibilité fraternelle. Pourquoi n’aurait-il pas agi de la sorte avec tout le Retable ? C’est que certaines parties étaient loin d’être aussi poussées à la mort de Hubert, peut-on répondre. Mais l’intervention de Jean fut donc sérieuse. En s’abandonnant à cette hypothèse pour l’Annonciation, on a perdu de vue le souci des maîtres flamands du XVe siècle de donner à l’extérieur des retables un maximum de beauté et de plasticité décoratives. Leur parti pris est constant de peindre à l’extérieur de leurs volets des grisailles pareilles à leurs préparations et qui souvent imitent des statues et des bas-reliefs. Les revers du polyptyque de l’Agneau en offrent même des exemples mémorables avec les deux saints Jean, — l’Evangéliste, constatons-le en passant, portant des boucles tirebouchonnées comme l’un des apôtres endormis, dans le Jésus au Mont des Oliviers des Heures de Nostre-Dame (fragment de Milan), feuillet considéré comme une œuvre de jeunesse de Jean van Eyck. Aucune déduction n’est-elle à tirer de l’âge que nous voyons à Josse Vyt ? Le donateur mourut en 1439. Le peintre ne nous montre pas un homme qui en a pour vingt ans encore, et nous croyons raisonnable de supposer que Jean, l’incomparable portraitiste, exécuta cette effigie, chef-d’œuvre dans le chef-d’œuvre, peu avant l’inauguration du Retable.

Au surplus, il n’est jamais entré dans nos intentions de revendiquer pour le cadet la paternité du Retable ; nous rappelons ses droits de collaborateur en nous étonnant de l’aisance avec laquelle on supprime les années pendant lesquelles