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atteignirent un degré insurpassable. Et le premier et divin portrait de la Flandre était tracé :


Les douces fleurs poussaient dans le tapis de l’herbe ;
De petits bois montaient naïfs et recueillis :
C’était la Flandre avec ses prés et ses taillis
Et son large horizon ceint de clochers superbes.


Une vieille inscription, malheureusement effacée par endroits, est peinte sur l’extérieur des volets. On en force parfois le sens, suivant que l’on considère l’aîné ou le cadet des frères comme le peintre principal de l’Agneau. Si louangeur qu’il soit pour Hubert, le texte indique nettement que Jean travailla au Retable et ne dit point que le cadet fut inférieur à l’aîné, ce qui serait contraire à la vérité. Des critiques vont jusqu’à voir en Hubert l’auteur unique du chef-d’œuvre et font grand état de deux textes récemment mis au jour : les notes de voyage de Hiéronymus Münzer (1495) et un passage des Voyages du cardinal Luigi d’Arragona (1517-1518) rédigés par le secrétaire de ce prélat, le chanoine Antonio de Beatis. On exagère la portée de ces témoignages. Pour le docteur Münzer, les deux frères se confondent en un seul personnage ; il écrit que le peintre repose sous le Retable (c’est Hubert) et toucha 600 couronnes en plus du prix convenu (c’est Jean). Quant au bon chanoine il n’a d’yeux que pour Adam et Eve, et, à lire attentivement son texte, on s’aperçoit qu’il ne parle que de ces deux figures quand il écrit « che forno fade da un maestro de la Magna alta decto Roberto » (Hubert). Le reste du texte ne détruit pas la croyance traditionnelle dans la collaboration de Jean ; le frère acheva le sujet principal, nous dit Antonio de Beatis, et ce sujet représente l’Assomption de la Vierge ! La mémoire du chanoine n’est point celle che non erra, et nous aurions tort de nous y fier aveuglément.

Le style des figures va-t-il nous guider dans cette périlleuse enquête ? Le manque d’aisance des petits personnages pressés les uns contre les autres sur un terrain exagérément incliné est un signe notable d’archaïsme. Il y faut, pensons-nous, distinguer l’esprit « hubertien. » Les petites figures sans doute sont presque toutes l’œuvre de l’aîné et nous pouvons nous souvenir ici des critiques qu’appelle le défaut de structure des petits personnages