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brillante exposition assure aux richesses vénérables de la cité le bénéfice de la curiosité internationale, esquissons ici un « petit guide de la peinture à Gand » que les visiteurs de la ville des Artevelde demanderaient en vain à leur libraire.


Au XIIe siècle, les moines de l’ancienne abbaye de Saint-Bavon firent peindre de grandes figures aux ébrasemens des fenêtres de leur réfectoire ; vêtues de longues tuniques en tissu quadrillé, elles se réclament de la tradition répandue par les mosaïstes de San Vitale et sont plus asservies au style italo-byzantin que les fresques contemporaines de Tournai. Comparez les vestiges tournaisiens à ceux de Gand ; l’école wallonne incontestablement vous paraîtra appelée à préparer l’avenir. — Les importantes fresques de l’hôpital de la Byloque : un Saint Jean, un Saint Christophe et une grande composition de 4m, 50 de large : le Christ bénissant sa mère, seraient du XIVe siècle. Le Sauveur et la Vierge, assis sur un trône aux lambrequinures ogivales, se détachent sur une tapisserie à rinceaux soutenue par trois anges. L’idéal du peintre de la Byloque est celui de l’art médiéval finissant, c’est-à-dire du grand art français au déclin ; les volutes du manteau de la Vierge, l’attitude hanchée du saint Christophe nous en instruisent. L’histoire explique mal ce rayonnement de l’esthétique française à Gand. Si les Gantois sont nombreux dans les rangs des Leliaerts, l’aspect des choses a changé dès le milieu du XIVe siècle, et le sage-homme Jacques van Artevelde est le mandataire du radicalisme ouvrier. « Poures gens l’amontèrent premièrement, » dit Froissart. Mais le même Ruwaert écrit en français au roi d’Angleterre, et tout l’art des Flandres et de la Wallonie suit la discipline des ateliers parisiens. Jehan de Bruges, André Beauneveu, et aussi le peintre du Parement de Narbonne subissent la suzeraineté française. Mais le courant démocratique rendait paradoxale la peinture formaliste du moyen âge. Pour en briser les cadres, Jean Malouel, Jacquemart de Hesdin, Melchior Broederlam transposent les leçons qu’ils ont reçues, — par quelle voie ? — du trecento italien. Les grands miniaturistes Jacques Coene, Haincelin de Haguenau, les frères de Limbourc viennent enfin et les réussites abondent chez ces précurseurs géniaux. Mais la peinture humaine qui sera celle de la Flandre au XVe siècle et par dérivation