Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prononcé de vœux, abandonnait les ordres sacrés, demeura cependant à l’Esquille. Il y fut dès lors, je suppose, en qualité de frère laïque et portant toujours la soutane de la congrégation, comme le confrère Vital Bouvier.

Il est évidemment professeur et, selon l’usage constant des Doctrinaires qui veulent que les professeurs fassent (de même que, les élèves, le cours de leurs études) leur apprentissage de maîtres en suivant toute la série des classes, il enseigne d’abord aux tout petits. Il écrivit plus tard : « Enseigner, c’est apprendre deux fois[1]. » Cette pensée a toute sa pleine signification, commentée par le système qu’on observait au collège de l’Esquille.

La plupart des pensées qui, dans les notes de Joubert, ont trait à l’éducation datent de l’époque où il était inspecteur général de l’université, de 1808 à 1815 ; et elles proviennent de ses nouvelles méditations, mais aussi de son expérience de pédagogue. Le paragraphe que voici et qui porte la date du 21 février 1812, se réfère évidemment au souvenir de l’Esquille : « Et ces écoles de piété que l’on trouvoit partout, jusque sur les vitraux du cloître, etc., et dans l’aspect des monastères ; et ces prîdieu au pied d’un crucifix qui formoient dans chaque maison, à la tête du lit du maître, une chapelle domestique, etc. Des écoles de piété ! Elles nous paroîtroient (si nous élions grandement sages) indispensables à cet âge qui a besoin qu’on le dresse à aimer le devoir, car il va aimer le plaisir[2]. » Ces idées sont précisément celles qui, au collège de l’Esquille, inspiraient et gouvernaient l’enseignement du jeune professeur Joubert. Ses qualités exquises de douceur et de bonté, son attention fine, la netteté de son esprit durent l’aider et lui rendre aussi la besogne agréable.

Pendant le loisir de ses classes, il travaille beaucoup, mène d’énormes lectures avec tranquillité ; c’est alors, et tout seul, aux alentours de ses vingt ans, qu’il acquiert sa grande et intelligente érudition.

Quels furent ses camarades, ses confrères, à l’Esquille ? Les meilleurs étaient probablement ceux qui n’ont pas laissé de nom, braves gens, modestes et doux, savans, qui faisaient leur

  1. Cette pensée est datée du 22 février 1793.
  2. Cette pensée a été publiée, mais inexactement, par M. de Raynal, titre XIX, § 33.