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visage pâle, sans poil. Des cheveux noirs. L’œil, placé un peu haut, très vif ; le nez long ; la bouche fine, aux lèvres pincées, très mobiles ; les joues creuses ; et l’air d’un jeune sage, très chimérique[1].

Tel je me le figure dans les rangs des apprentis novices, exact à ses devoirs, cheminant avec les autres, l’un d’eux, et différent, mais sans qu’on s’en aperçoive et peut-être sans qu’il s’en doute.

Les Doctrinaires, jaloux de recruter les talens dont ils avaient besoin, prenaient à l’occasion des professeurs dans le siècle. A l’époque même de Joubert, une demi-année avant lui, un certain Vital Bouvier, âgé de trente ans, prit la soutane de la congrégation « pour y être en qualité de frère laïque. » Le laïque, aux Doctrinaires, faisait son métier de pédagogue ; il devait quotidiennement dire l’office de la Vierge ou le chapelet. Mais il ne prononçait pas de vœux ; et il portait la soutane comme un uniforme.

Telle ne fut pas, le 17 mai 1772, la situation de Joseph Joubert ; et la mention de « frère laïque, » qui est inscrite auprès du nom de Vital Bouvier, ne l’est pas auprès du sien. Il avait la qualité de probationniste, ou de postulant, qui implique chez lui, à ce moment, le projet d’entrer bel et bien dans la congrégation. Pour cela, on devait avoir plus de quinze ans et moins de quarante, certifier de bonnes études, être indemne de tout défaut canonique, ne pas venir d’un couvent et postuler pendant quelques mois.

A plusieurs reprises, dans l’année, il y avait des « balottes, » et autant dire des examens à la fois intellectuels et moraux, des scrutins à la suite desquels on était, ou l’on n’était pas, admis à continuer ses preuves. Or, à la date du 17 septembre 1772, je lis dans le registre des vêtures : « La communauté s’est assemblée pour délibérer sur l’admission des novices à continuer leur probation. Les confrères Bessières, Richard, Saint-Marc, Dupuy et Delor ont été admis pour la seconde fois à continuer leur noviciat. Les confrères Coralx, Rudelle, Joubert, Drouailhes ont été admis pour la première fois. » La situation religieuse de

  1. Il n’existe qu’un seul portrait de Joubert : un dessin de Mme Paul de Raynal, fille d’Arnaud Joubert. Encore l’original est-il perdu. Mais on a conservé la lithographie : plus exactement, il y a deux lithographies, l’une où le profil est tourné à droite, l’autre à gauche ; ce sont deux états du même dessin.