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de forme renaissance, et qui font sécher des linges au soleil. On les a construites sur de hauts pilotis ; et, quand la rivière est basse, elles ont l’air de filles qui troussent leurs cotillons et montrent leurs longues jambes.

Le site est noble et ravissant, sous les jeux de la lumière qui s’y répand bien, avec variété, sans désordre. Une vallée, un bel entourage de collines ; au fond, l’Arzème, qui est une colline un peu plus élevée que les autres : et l’arzème est, là-bas, le nom d’une sorte de muguet, de bon augure aux amoureux.

Montignac avait aussi son château féodal, jadis très puissant et abandonné dès avant la révolution. Henri IV y avait logé, quand il n’était que roi de Navarre et, à ce titre, comte de Périgord. Le château de Montignac campait sur une forte éminence ses tours carrées, ses murailles à mâchicoulis. Il dominait la ville ; et il était anodin, beau, comme un reste des âges lointains et comme un témoignage de la durée. D’autres châteaux, dans les environs, La Faye, La Filolie, Balcayre, Losse, Clérant, Sauvebœuf, étaient de magnifiques demeures, solides comme des forteresses, élégantes comme des œuvres d’art. Et l’aristocratie du Périgord y passait, bien étourdiment, ses dernières années paisibles, y menait une existence fastueuse et campagnarde. Chacun de ces châteaux avait ses légendes, ses contes poétiques, ses histoires d’amour chevaleresque et populaire où les castes qu’on lancera bientôt l’une contre l’autre collaboraient gentiment. Il y avait aussi, a quelque distance, des abbayes, comme à Saint-Amand-de-Coly, des abbayes construites pour la guerre ; et, tout près de Montignac, à Montignac même, des monastères pacifiques, des couvens dont, le soir, à l’angélus tintaient les clochettes sans nombre.

Montignac était là, petite ville où survivait le passé ; petite ville assez turbulente, un peu méridionale et sans la légèreté futile des pays où le perpétuel soleil rend les journées si bonnes qu’on les amuse et qu’on ne veut pas les troubler ; petite ville prompte à se fâcher, soudaine comme la Vézère ; petite ville de passions qui, aux mauvais jours, la hérissent ; petite ville habituellement sage et que suscite peu de chose.

Quand on y vient de Périgueux, on descend par une rue escarpée et tortueuse. On débouche sur une place et voici le pont, voici la grand’rue qui va jusqu’à l’autre bout de Montignac. Il y a des rues transversales, et des ruelles de village, et des