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bien me servir de guide et me communiquer toutes les traditions qu’il a recueillies.

Nous commençons par l’église, qui est de construction relativement récente et qui ressemble à toutes les églises du Nord de l’Italie. Mais elle remplace un très ancien sanctuaire, situé un peu plus haut, et qu’on a dû abattre pour rebâtir le palazzo des Visconti. Sainte Monique y occupe une niche d’honneur, à l’un des angles de la nef, et saint Augustin y possède un autel. Mitre en tête, la statue coloriée du grand évêque se dresse derrière un vitrage enguirlandé de fleurs artificielles. D’une main, il presse un fort volume contre sa poitrine, et, de l’autre, il élève vers le ciel un cœur enflammé et tout rouge, comme on le voit dans les gravures liminaires des éditions bénédictines. À ses pieds, dans la maçonnerie de l’autel, une relique vénérable est encastrée. Nous détachons le paravent de bois peint qui la protège, — et une vieille pierre rugueuse apparaît, sillonnée de lignes bizarres, de figures à demi effacées, dont il est impossible de deviner la signification. Tout ce qu’on y distingue, c’est une croix romane surmontant on ne sait quelle forme, qui évoque l’image confuse d’un Sacré-Cœur. Une légende veut que, pendant son séjour à Cassiciacum, saint Augustin ait dit la messe sur cette pierre.

Mais le curé lui-même me fait remarquer que cette légende ne tient pas debout, puisque saint Augustin n’était pas encore ordonné prêtre, pas même baptisé, lorsqu’il habitait ici. Il faudrait supposer qu’il y revint après son ordination. Or aucun texte n’autorise une telle hypothèse.

Il n’en est pas moins vrai qu’on chercherait vainement ailleurs des traditions populaires comme celle-ci. Le fait qu’elles se rencontrent seulement à Cassago prend donc une certaine importance, — et une importance d’autant plus grande que d’autres traditions locales s’ajoutent à cette première légende. Ainsi derrière l’église, dans le parc du château, il y a un ruisseau qui, depuis un temps immémorial, s’appelle « la fontaine de saint Augustin. »

Précédés du régisseur, nous allons la voir, cette fontaine, qui a entendu de si doctes entretiens, et qui en est restée célèbre à l’égal des plus grands fleuves. Au bas d’un talus gazonné, nous nous arrêtons devant un mince filet d’eau stagnante, qui émerge d’un fourré de noisetiers et d’acacias et qui se perd, un peu plus