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Vérécundus de son hospitalité à Cassiciacum . « Tu le lui rendras, mon Dieu, au jour de la résurrection des justes... Tu rendras à Vérécundus, en retour de son hospitalité, dans cette campagne de Cassiciacum, où nous nous reposâmes en toi, au sortir de l’été brûlant du siècle, tu lui rendras la fraîcheur et les ombrages éternellement verts de ton paradis. »

« L’été brûlant du siècle » n’est point, ici, une pieuse métaphore. C’est, en effet, au moment le plus torride de l’été, au mois d’août, après l’ouverture officielle des vacances, que le rhéteur de la ville de Milan partit pour la campagne. Sans doute, les chaleurs avaient achevé de débiliter ce malade, qui souffrait depuis longtemps d’une bronchite chronique. Même dans les hautes chambres de la maison qu’il avait louée, — probablement aux portes de la ville, — sous les figuiers de son jardin, où la grâce du Christ venait de le terrasser, il ne respirait qu’un air embrasé et suffocant. Son départ fut pour lui, non pas seulement au moral, mais encore au physique, une délivrance et une renaissance.

Pour le comprendre, il faut avoir subi, ne fût-ce que quelques jours, cet été milanais. Milan est peut-être la ville la plus chaude de l’Italie. Par comparaison avec la Riviera, d’où je venais, la plaine lombarde me parut une fournaise. A travers cette immense campagne toute verte et toute luxuriante, où l’eau fume et miroite sous le regorgement des herbes et des feuillages, c’était le même souffle aride que sur les routes d’Afrique, sur les champs pierreux de la région sétifienne, ou la morne vallée du Chéliff. Et, dans les rues de Milan, devant le parvis éblouissant du Dôme, je retrouvais l’atmosphère cuisante et sèche, où j’ai vécu, tout un mois, à Séville, à l’époque où l’Andalousie dévastée flambe comme un Sahara.

En traversant la cour de la gare, mon facchino, qui ruisselait de sueur, me dit, avec un soupir d’envie :

Ah ! signore ! beati quelli chè possono andare à la montagna !... Bienheureux ceux qui peuvent aller à la montagne !

Aller à la montagne ! Ce vœu citadin doit être, depuis des siècles, celui de tous les Milanais, en ce moment de l’année. Saint Augustin fit comme tout le monde. Il alla, lui aussi, à la montagne.

Mais quelle montagne ? Où son ami Vérécundus avait-il sa