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rappelle à son maître leur commun séjour à Cassiciacum, — ce qu’il exprime par cette périphrase poétique : « les soleils révolus parmi les hautes montagnes de l’Italie. »

Dans le même moment, un aimable magistrat italien, M. Luigi Anfosso, membre de la Société historique de Lombardie, m’écrivait à son tour, en des termes non moins précis et affirmatifs : « Cassiciacum n’a pas disparu. Il revit dans le village actuel de Cassago, près de Côme. » Et il me proposait, en faveur de sa thèse, un certain nombre de preuves qui, sans être péremptoires, me paraissaient assez plausibles.

Mais alors, qui avait raison, des partisans de Cassago ou de ceux de Casciago ? J’étais fort embarrassé, d’autant plus qu’en jetant les yeux sur la carte, j’y découvrais un Carnago et un Camnago qui, eux aussi, pouvaient avoir la prétention d’être l’antique Cassiciacum. L’archéologie locale n’est jamais à court d’argumens, et, d’ailleurs, dans tout le Milanais, les noms en ago foisonnent, à peu près comme les noms en court dans notre Lorraine. Enfin, détail inquiétant, on me signalait un second Casciago, juste en face du premier, sur l’autre rive du lac de Varèse.

Dans ce genre de questions, où le sentiment a tant de part, où les preuves matérielles manquent presque toujours, rien n’est tel que de s’en rapporter à ses yeux. Quelquefois la simple figure d’un pays suffit à ruiner une hypothèse hasardeuse. Je me résolus donc d’y aller voir. Évidemment, je n’avais pas l’illusion d’aller à la conquête d’une certitude, mais je pensais y trouver des probabilités plus précises et plus convaincantes. Et puis, à mettre les choses au pis, j’aurais, en fin de compte, la consolation d’avoir parcouru de très beaux paysages et vécu, quelques jours encore, avec le souvenir très cher de saint Augustin. C’est donc à une sorte de pèlerinage que je convie mes lecteurs, un pèlerinage, où nous ne sommes pas sûrs d’arriver jusqu’à la chapelle du Saint. Mais nous en approcherons de très près, et, souvent peut-être, par les sentiers mêmes où il est passé, nous mettrons nos pas dans ses pas.


On se rappelle l’admirable phrase des Confessions, véritable largesse de grand seigneur, par laquelle Augustin paya son ami