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sommets que la science ne connaît pas. Retenons l’aveu de Claude Bernard : « L’homme peut plus qu’il ne sait. »

L’histoire expose les actes des hommes et les juge pour travailler au bonheur et à la grandeur de l’humanité, et ainsi, c’est elle qui crée, au-dessus et au delà des hommes, l’humanité. La plus minime des erreurs historiques altère le total : les fautes humaines intéressant l’humanité, sont des fautes d’ignorance, autrement dit des fautes d’histoire. « Si jeunesse savait, » dit le proverbe ; et chaque nouvelle génération est une jeunesse. L’histoire lui apporte les économies de l’expérience : ne pouvant faire davantage, elle fait du moins cela, et c’est ce qui engage sa responsabilité.

Vérité, choix, beauté, enthousiasme, conscience, responsabilité, telles sont les conditions suprêmes de l’histoire. Les grands événemens ont toujours fait naître les grands historiens, parce qu’il faut que l’humanité sache. Cette connexité nécessaire des grandes époques et des belles œuvres apparaît surtout dans l’étude de l’histoire ancienne, écrite par les historiens de l’antiquité. Leurs œuvres sont utiles et belles, parce qu’arrivant les premiers, ils ont rempli leur tâche avec simplicité. C’est par l’étude de ces modèles que je voudrais reconnaître, maintenant, la courbe magnifique de l’histoire agie s’insérant dans l’histoire écrite : vérité, choix, beauté, enthousiasme, conscience, responsabilité !


GABRIEL HANOTAUX.