Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heure et ne développe sa beauté que lentement. Clio est une muse voilée. Elle est la suprême compagne de l’esprit humain. L’homme fait, le vieillard se tournent vers elle ; ils trouvent, dans ses œuvres, les seules choses qui les satisfassent : la vérité et l’ordre.


III. — L’HISTOIRE EST UNE SCIENCE

Le récit vivant des faits du passé est l’objet de l’histoire ; mais pour les exposer, il faut les connaître ; la recherche et la critique des faits, l’aperception de l’ordre qui les range sous des lois, donnent à l’histoire le caractère d’une science. Comme la science, elle recourt à l’analyse d’abord, puis à la synthèse. L’esprit humain, dans sa faiblesse, ne peut prendre la vérité de front, la saisir entièrement et d’un seul coup. Il procède graduellement, comme on s’élève sur le flanc d’une montagne ; il ne la voit d’ensemble que de haut, en se retournant.

La connaissance des faits repose sur la critique des témoignages. Celui qui raconte les événemens auxquels il a assisté n’est pas un historien, c’est un annaliste, un mémorialiste. Précisément parce qu’il a vu les choses de trop près, il les altère en les décrivant ; il n’est pas de témoignage direct qui ne soit faussé par la passion ou simplement déformé par le manque de recul. L’histoire proprement dite a besoin de considérer l’enchaînement des faits pour exprimer la vérité elle-même : « L’historien, dit Fustel de Coulanges, doit étendre ses recherches sur un vaste espace de temps. Celui qui bornerait son étude à une seule époque s’exposerait, sur cette époque même, à de graves erreurs. Le siècle où une institution apparaît au grand jour, brillante, puissante, maîtresse, n’est presque jamais celui où elle s’est formée et où elle a pris sa force. Les causes auxquelles elle doit sa naissance, les circonstances où elle a puisé sa vigueur et sa sève, appartiennent souvent à un siècle fort antérieur. »

À l’origine de toute recherche historique, il y a nécessairement une enquête sur la réalité des faits, sur leur véritable sens et leur véritable portée. Cette enquête recourt aux divers procédés scientifiques auxiliaires de l’histoire : cet ensemble de procédés forme l’érudition.