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Ladmirault tenta l’impossible pour différer l’inévitable. Le Bœuf, dont aucune attaque n’avait ébranlé la solidité, retarda un moment la catastrophe par l’envoi du brave Saussier... »

La catastrophe, ce serait l’abandon du plateau de Plappeville, qui, s’allongeant entre deux ravins boisés jusqu’aux carrières au-dessus d’Amanvillers, est le dernier débouché vers Briey et Montmédy restant à une armée qui ne veut pas être rejetée et demeurer bloquée dans le camp de Metz. La naissance du ravin de Chatel, qui encadre à gauche le plateau, est flanquée par la maison forte de Montigny ; la ferme ; Saint-Vincent, le Gros-Chêne, sont comme les réduits de cette position, que le général Bourbaki, qui l’occupait pendant la bataille, qualifiait, à tort du reste, de « magnifique. » Or cette position, le 4e corps ne l’a nullement cédée à l’ennemi, mais évacuée seulement pendant la nuit du 18 au 19 et la matinée du lendemain. Cela uniquement sur les ordres formels du commandant en chef relatés ci-dessus, et sur les indications des officiers qui rapportaient ces ordres du quartier général. J’étais de ceux-là ; j’en ai déposé au procès du Trianon, et M. Ollivier n’en ignore pas, puisqu’il cite les premiers mots de ma déposition. Parlant des messagers de la défaite du 6e corps qui arrivent au maréchal, il reconnaît que celui du 4e corps « La Tour du Pin est moins pessimiste : il affirme que nous tenions nos positions, que la bataille n’était pas perdue, mais qu’elle était à recommencer le lendemain matin... » Puis aussitôt le narrateur, négligeant la suite de ma déposition, me confond avec les officiers de l’état-major du 6e corps, qui étaient venus, dit-il, demander au commandant de leur assigner d’autres positions. Dans cette assimilation des deux corps d’armée, M. Ollivier écrit qu’après Cissey, qui, découvert par l’abandon de Saint-Privat, ne put se maintenir en ligne, « Grenier le suivit : l’infanterie de la division Lorencez et la brigade Pradier... soutinrent plus longtemps la lutte en désespérés, mais prirent enfin, eux aussi, la voie douloureuse de la retraite. » Or cela est le contraire de ce dont j’ai déposé : la brigade Bellecour de la division Grenier a bien été repliée, mais la brigade Pradier de la même division a bivouaqué sur sa position de combat, en avant de Montigny, jusqu’au lendemain matin[1]. La division Lorencez est restée en ligne devant

  1. Voyez Relations de l’État-Major de l’armée. — Documens annexes, t. III.