Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La discipline, qui fait la force principale des armées, — comme s’exprimait notre règlement d’alors, — n’est ni servile, ni passive. Elle doit être comprise comme ce qu’elle est essentiellement, le départ des responsabilités. A celui qui commande appartient celle du but ; à celui qui exécute celle du choix et de l’emploi des moyens. Il n’a d’ordres à attendre ni à solliciter pour s’en couvrir, tant qu’il voit clairement la situation ; c’est elle qui le commandera désormais jusqu’à l’atteinte de ce qui lui a été assigné pour but. — Soupçonne-t-il, par des indices certains, que ce but n’est pas aussi ferme dans la pensée de qui l’a tracé que dans son expression, il ne connaît que celle-ci, et ne doit pas risquer d’en affaiblir la poursuite par les lenteurs inévitables d’une hésitation ou d’une demande d’ordres qui entraine leur attente et compromet sûrement ainsi l’action. Sans doute Canrobert et Le Bœuf envoyèrent officiers sur officiers à Bazaine qui ne songeait qu’à s’en sauver : aussi ne firent-ils rien qui marque de tant d’ordres et de contre-ordres. Le commandant du 4e corps n’en sollicita ni n’en attendit pour marcher le 14 au canon de sa propre troupe, ni le 16 à celui de Canrobert ; mais il n’a pas, quoi qu’on dise, aucune de ces fois perdu de vue le but ; les ordres du commandant en chef l’ont trouvé le lendemain, et l’auraient trouvé le même soir, au poste qui lui avait été assigné. Voilà ce dont je suis le témoin.

Au résumé, on ne saurait tirer de mon langage plus que de mes témoignages autre chose que l’infirmation des moyens employés au profit de Bazaine contre son lieutenant.


VI

Le chapitre intitulé « Gravelotte-Saint-Privat » n’appelle pas moins rectification que les précédens, par le rétablissement des faits sur le point le plus grave. J’ai hâte de dire que l’objet de cette rectification capitale ne parait pas correspondre à un parti pris chez l’auteur, mais à une lecture incomplète. M. Ollivier écrit qu’au soir de cette journée sanglante du 18 août, « vers huit heures ou huit heures et demie, Bazaine libelle un ordre général de retraite à tous les chefs de corps. Mais cette retraite n’avait pas attendu son ordre. Celle de Canrobert était en train ; celle de Ladmirault ne tarda pas à le suivre. Quoique son flanc droit fût découvert par la disparition du 6e corps d’armée,