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contre-coups de la guerre et à la marche normale de l’humanité vers un avenir meilleur.


Nos lecteurs savent déjà la perte qu’ils ont faite dans la personne de M. Emile Ollivier, qui était un des plus anciens collaborateurs de cette Revue et un de ceux qui l’honoraient davantage par l’éclat de son talent, la générosité de son caractère et la dignité de sa vie. M. Emile Ollivier a joué un rôle trop important et qui a été l’objet de trop ardentes controverses pour que nous puissions, en quelques lignes et à la fin d’une chronique, parler de lui comme il conviendrait. Tout ce que nous pouvons dire aujourd’hui de l’homme politique est qu’aucun n’a eu de meilleures intentions, n’a mis à leur service une persévérance plus grande, une parole plus entraînante, un désintéressement personnel plus absolu — et n’a été plus malheureux.

Un monde s’est écroulé sur lui pour l’écraser. On l’a rendu responsable d’une guerre que rien ne pouvait empêcher parce qu’on la voulait ailleurs, et qu’on nous y a délibérément provoqués. M. Emile Ollivier a fait ce qu’il a pu pour l’éviter, il n’y a pas réussi ; s’il y avait réussi un jour, le danger se serait présenté sous une autre forme le lendemain ; le seul tort de M. Emile Ollivier, qui jugeait des autres d’après lui-même, est de n’y avoir cru qu’à la dernière extrémité. Le sort des armes s’étant prononcé contre nous, on a cherché un homme sur qui rejeter tout le poids de l’événement ; il n’a pas été difficile de le trouver, il s’était offert lui-même ; on l’a dénoncé à la postérité en prenant soin par avance de dicter à celle-ci son jugement. Mais M. Ollivier a vécu assez longtemps pour faire appel à son tour au tribunal devant lequel il avait été cité ; il a introduit lui-même sa cause devant l’histoire, et nos lecteurs ont connu au fur et à mesure qu’il les produisait les explications qu’il lui a apportées. On peut sans doute ne pas tout admettre de ce long et puissant plaidoyer, mais comment n’être pas frappé de l’accent de probité morale qui lui donne un caractère si saisissant ? L’homme apparait à travers ces pages éloquentes : comment ne pas reconnaître le souci de la vérité qui l’anime, la droiture de ses sentimens, la haute portée d’un témoignage qui, sur tant de points, éclaire l’histoire et qu’elle ne saurait plus négliger ? Quant au talent d’écrivain de M. Ollivier, succédant ou plutôt s’alliant à son talent oratoire, il allait grandissant d’année en année, de volume en volume, d’épisode en épisode, presque de page en page, et nous ne sachons rien de plus émouvant que ce dernier article, que nous avons publié il y a quinze jours, où il parle des angoisses du maréchal