Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des rayons solaires et de la lumière diffuse, si forte en mer, et qu’elle absorberait.

Les plus récentes expériences de M. Barnes lui ont montré que cette explication n’est pas soutenable, et que l’iceberg fond trop lentement pour qu’on puisse observer le moindre effort de dilution même en son voisinage immédiat. Ayant récolté en effet un certain nombre d’échantillons d’eau de mer à diverses distances des icebergs, et ayant mesuré leur salinité, il l’a trouvée partout du même ordre. Il en résulte que l’eau de fusion provenant de l’iceberg se mélange si vite à l’eau de mer environnante que la concentration reste partout la même, et que le troisième courant de Petterson ne peut pas avoir d’influence sensible sur les phénomènes observés.

M. Barnes a esquissé une autre explication de l’étrange réchauffement qu’on constate au voisinage des icebergs, mais elle soulève quelques objections, aussi ne croyons-nous pas nécessaire de l’exposer. D’ailleurs les faits seuls importent, et ils permettent d’espérer que dans peu de temps tous les navires voguant vers New-York seront munis de micro-thermomètres enregistreurs, grâce auxquels ils seront, quel que soit le brouillard, prévenus à plusieurs milles de distance, par l’élévation de la température, de l’approche des icebergs. Ne serait-ce qu’à ce titre les récens travaux de M. Barnes sont d’une importance considérable.

Ils ne sont pas moins suggestifs à d’autres points de vue encore. D’abord ils ont mis en évidence la présence d’une grande quantité d’air occlus et dissous dans la glace. La couleur blanche de l’iceberg est due aux innombrables bulles d’air qu’il contient[1], et nullement à la neige recouvrant sa surface. L’eau de glace dont M. Barnes se servait comme boisson, moussait comme de l’eau de Seltz en dégageant l’air qu’elle renfermait. Il est possible que les disparitions soudaines d’icebergs ou leur rupture brusque qui sont accompagnées d’un bruit violent, soient dues précisément, — et peut-être sous l’action dilatante des rayons solaires, — à l’air inclus dans la glace et qui les fait éclater. On a observé ainsi des icebergs qui projetaient sans cesse dans tous les sens, et comme une pièce d’artifice, de petites parcelles de glace.

Enfin M. Barnes a constaté, sur les côtes d’Amérique, d’Angleterre et d’Ecosse, que la température s’abaisse au voisinage de la côte, contrairement à ce qui a lieu près des icebergs. On peut supposer

  1. C’est de pareille manière que la mousse de nos boissons gazeuses, celle qui couronne la crête des vagues ou celle qui rejaillit des chutes d’eau, doit sa couleur blanche aux bulles aériformes qu’elle contient en quantité.