Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec une grande délicatesse et instantanément comment varie la température à la surface des couches d’eaux dans lesquelles on navigue.

Or les premières expériences de M. Barnes faites dans le détroit d’Hudson sur le paquebot Stanley, appartenant au gouvernement canadien, ont établi ce résultat tout à fait inattendu et paradoxal : que la fusion des icebergs produit une augmentation de température dans leur voisinage.

Une seconde campagne faite l’été passé à bord du Montcalm spécialement frété par le gouvernement canadien, dans le détroit de Belle-Isle, a pleinement confirmé les résultats de la première. Les icebergs étudiés n’ont jamais produit le moindre effet de refroidissement même à quelques mètres seulement de distance ; ils ont au contraire manifesté en général une élévation de température très nettement observable sur les microthermogrammes de M. Barnes, et qui est, dans les cas les moins favorables, de plusieurs dixièmes de degrés. En opérant avec son navire tout autour et à diverses distances des icebergs les plus remarquables rencontrés par lui, M. Barnes a pu tracer ainsi les isothermes, c’est-à-dire les courbes d’égales températures, entourant ces icebergs. Quelques-unes sont fort remarquables ; elles montrent que, tandis qu’à environ 5 milles de l’iceberg, la température était d’environ 3°6, à 3 milles de lui, elle est déjà montée à 4°7, à 1 nulle est de 5°, et, tout près de l’iceberg, on trouve des isothermes correspondant à 5°1 et 5°2. Ces faits bouleversent tout ce qu’on aurait pu imaginer a priori, car on se fut attendu évidemment à observer plutôt un refroidissement, au voisinage des glaces flottantes.

Voici comment M. Barnes, en se fondant sur une théorie de Petterson, expliqua d’abord les phénomènes remarquables qu’il a découverts. D’après cette théorie, qu’il est aisé de vérifier par des expériences de laboratoire, la glace en fondant dans l’eau salée produit dans celle-ci trois courans différens : 1° un courant d’eau de mer refroidie par la glace et qui tombe au fond sous l’action de la gravité ; 2° un courant d’eau de mer plus chaude qui s’avance vers la glace pour remplacer l’eau tombée vers le fond ; 3° un courant d’eau douce légère provenant de la glace fondue et qui monte et se propage à la surface de l’eau salée.

M. Barnes avait pensé d’abord que c’est ce courant superficiel d’eau douce qui agit sur le microthermomètre. La nappe d’eau douce est incapable, à cause de sa légèreté, de se mélanger immédiatement à l’eau de mer sous-jacente, se réchaufferait plus que celle-ci à cause