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côté. D’autres problèmes non moins passionnans et plus actuels peut-être sauront nous retenir.


La catastrophe navrante du Titanic est venue fort mal à propos rappeler aux navigateurs que les cartes marines les plus parfaites, le vaisseau le plus puissant ne sauraient les mettre à l’abri des récifs flottans que forment les glaces polaires et qui à de certains momens encombrent les routes marines les plus fréquentées. Une entente s’est depuis lors établie entre les principales nations maritimes afin d’étudier systématiquement la marche des icebergs et de rechercher les moyens propres à les signaler et à les éviter. Dès maintenant des résultats remarquables ont été obtenus dans cette vole. Avant de les exposer, rappelons rapidement l’origine des glaces flottantes.

Dans notre hémisphère on les rencontre surtout en grandes masses dans la région du banc de Terre-Neuve. Elles y sont amenées au printemps et en été — après la débâcle boréale — du Groenland et de l’archipel arctique par le courant marin froid, dit du Labrador, et qui longeant la côte orientale d’Amérique, vient remplacer au fur et à mesure l’eau chaude que le Gulf-Stream amène des Antilles aux régions polaires en côtoyant au passage l’Europe. Si le banc de Terre-Neuve et la côte voisine, bien qu’ayant une latitude plus méridionale que la Provence, ont cependant un climat beaucoup plus rude et si les glaces polaires parviennent jusque là, c’est à cause du courant du Labrador.

Celui-ci roule deux sortes de glaces flottantes de nature fort différentes : les « icefields » ou champs de glaces et les « icebergs. » Les premiers sont des fragmens de la banquise qui recouvre les mers arctiques et résulte de la congélation de ces mers. Ils sont formés de glace salée et ne dépassent jamais quelques mètres d’épaisseur, pour plusieurs raisons, et d’abord parce qu’ils résistent moins que la glace d’eau douce à la fusion. L’eau de mer ne se congèle en effet qu’au-dessous de — 2°. Ce chiffre n’est d’ailleurs qu’une moyenne, et le point de congélation dépend de la teneur de l’eau en sel, teneur qui varie comme on sait d’une mer à l’autre. En moyenne chaque tonne d’eau de mer contient environ 35 kilogrammes de sels dissous et c’est à cette teneur que correspond un point de congélation voisin de 2° au-dessous de zéro. Si on examine de plus près le mécanisme de cette congélation, on constate d’ailleurs qu’elle n’est complète qu’à une température bien inférieure. L’eau de mer en se solidifiant laisse