Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le précieux, modeste et ravissant hommage d’un artiste : il donne ce qu’il a et, comme le baladin de Notre-Dame, il exécute pour elle ses meilleurs tours.

Quelques écrivains religieux préfèrent à l’hommage le sacrifice ; et ils appauvrissent exprès leur manière : ainsi, dans La brebis égarée, le grand poète Francis Jammes. Il m’est impossible de les approuver. Et quelquefois les écrivains les plus vaillamment démonstratifs ne manquent pas d’aller jusqu’à l’extrême négligence. M. Ernest Psichari, par exemple, a beaucoup de mauvaises pages, à peines écrites. Je l’en veux blâmer et, avec lui, tant de conservateurs qui écrivent mal. Un conservateur qui, en écrivant mal, affirme l’amitié qu’il a pour les traditions françaises, omet la tradition précisément que les écrivains sont chargés de défendre, celle du bon style français ; il omet son premier devoir d’écrivain. D’autres devoirs, plus grandioses, le tentent : et, son humble devoir à lui, qui le fera ?…

Mais, à côté des mauvaises pages, — molles, embrouillées, ou empêtrées, ou accablées, — que d’excellentes pages, dans l’Appel des armes ! On dirait alors que, d’un brouillard, sort et s’élance une clarté. Mieux, on dirait que, dans le petit jour, un escadron las et qui pataugeait avec difficulté entend ses trompettes et part : il a son entrain, son alacrité. Il galope ; autour de lui, l’atmosphère est pure et saine.

« Lorsque l’auteur de ce récit fit ses premières armes au service de la France, il. lui sembla qu’il commençait une vie nouvelle : » et c’est le bienfait de cette vie nouvelle que M. Ernest Psichari offre à qui le voudra. Ense et cruce : il offre le bienfait de l’épée. M. Vallery-Radot nous mène à l’église : il nous mène à l’armée. À la vraie armée ! Il note que l’armée a, comme l’Église, ses modernistes : or, « le modernisme est la grande épreuve de l’Église ; c’est aussi l’épreuve de l’armée. » Les modernistes de l’armée considèrent, les malheureux, que tout évolue et que l’armée est dans l’alternative « de mourir ou d’acquérir le sens des réalités modernes. » Ils vous feraient une armée humanitaire, philosophe et pacifiste. Et qu’est-ce qu’une telle armée ? À proprement parler, ce n’est rien. À ces fades niaiseries opposons la prière franche et vive qu’adresse à Dieu, dans l’église de Cherbourg, le soldat Vincent : « Faites que je sois fort et que je tue beaucoup d’ennemis… »

Le soldat Vincent, fils d’un instituteur qui ne peut voir un uniforme sans entrer dans le délire où sont les vaches devant un morceau de drap rouge, hésitait et, parmi les séductions diverses des théories, ne savait plus où poser sa prédilection. Et il était éperdu, comme l’est