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entièrement détruit par l’incendie de 1876 ; seuls les murs restèrent debout, et nous pouvons encore admirer, dans leur état primitif, les couches alternées de marbre blanc et rouge, les fines colonnes aux chapiteaux variés, la petite balustrade qui donne tant d’élégance à la loggia, et, dans une niche à l’angle du monument, la jolie Vierge sculptée en 1448 par Buono, l’auteur de la Porte della Carta.

Pour monter au Castello, il faut passer sous une arcade que dessina, dit-on, Palladio ; elle était autrefois surmontée du lion vénitien, ainsi qu’on le voit au Musée dans une vue de la ville par Palma le jeune. Pour toute la région, la République sérénissime fut bien la « planteuse de lions » dont parle Chateaubriand, dans les pages qu’il écrivit à la louange de Venise, le 10 septembre 1833, et qui comptent parmi les plus belles des Mémoires d’Outre-tombe. Le tremblement de terre de 1511 a renversé l’antique château qui se dressait au sommet de la colline ; on le remplaça par le bâtiment actuel, qui fut successivement affecté aux usages les plus divers : forteresse, résidence des patriarches ou prison ; en ce moment, il abrite les services municipaux et le musée. Un double escalier donne accès à la salle d’honneur que ses vastes proportions, ainsi que les restes de fresques qui décorent ses murs, firent classer comme monument national. Malheureusement, ces vieilles peintures sont en fort mauvais état, depuis l’époque où le château servit de caserne. Les soldats — qu’ils soient italiens ou français — sont des locataires bien dangereux pour les œuvres d’art : Udine, comme Avignon, en fit la rude expérience.

Dans le musée, je note au passage un amusant panorama de la cité dressé par Callot en 1600, un Canaletto d’un gris délicat, une petite étude de Véronèse pour son Martyre des SS. Marc et Marcellin, et trois Tiepolo. Mais la ville est trop riche en œuvres de cet artiste pour m’arrêter à celles-ci et j’aurais préféré que les peintres locaux fussent mieux représentés. C’est à peine si j’ai trouvé un assez beau Couronnement de la Vierge de Girolamo da Udine. Pour étudier le créateur de l’école, Martino, plus connu sous le nom de Pellegrino da San Daniele, il faut sortir d’Udine et aller soit à Aquilée voir le tableau d’autel du Dôme, soit à San Daniele, sa ville natale, soit à Cividale, la vieille capitale lombarde qui garde jalousement, à côté de précieux trésors archéologiques, le chef-d’œuvre du peintre, la