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septembre, j’ai éprouvé le lendemain cette joie, si douce aux vrais voyageurs, de l’éveil dans une ville que l’on ne connaît pas, mais que l’on sait pleine de promesses. La veille, un omnibus aux vitres tremblotantes a suivi des rues mal pavées et à peine éclairées ; on a aperçu les vagues silhouettes de monumens qu’on essaie d’identifier d’après le plan du Bœdeker ; mais, en somme, toutes les surprises de la découverte restent encore. Certes, celles-ci ne sont pas toujours agréables, et, souvent, le premier contact avec la ville nouvelle déçoit ; ce n’est que peu à peu qu’on en goûte les séductions discrètes. Ici, la révélation fut immédiate. L’arrivée sur la petite place baignant dans la lumière matinale, la montée au Castello, et, du haut de l’esplanade, la vue circulaire sur l’immense cercle de la plaine frioulienne déployée autour d’Udine comme un double éventail, compteront à jamais dans mes souvenirs pourtant si riches en impressions de ce genre.

Au sortir de l’hôtel, je n’avais trouvé qu’une ville sans grand caractère, propre et animée, avec de larges voies bordées d’arcades et de maisons où s’affirme le style vénitien ; mais, brusquement, au tournant d’une rue, j’ai débouché sur la place que je cherchais. Je la savais belle : je ne l’imaginais point si magnifique. Entourée de palais et de portiques, ornée de statues et de colonnes, dominée par la haute masse du château, d’où qu’on la regarde, son aspect est des plus pittoresques. Tout s’arrange à merveille ; rien ne fait surcharge. Et pourtant, sur un espace des plus réduits, il y a : d’un côté, une galerie du XVIe siècle, dite Loggia di San Giovanni, et une Tour de l’horloge dans le goût de celle de Venise ; au milieu, une jolie fontaine dessinée par Jean d’Udine, deux colonnes dont l’une porte le lion de saint Marc, deux figures de géans, une statue de la Paix donnée par Napoléon Ier, en souvenir du traité de Campo-Formio, et, bien entendu, un monument équestre de Victor-Emmanuel II ; enfin, sur l’autre flanc de la place, la délicieuse Loggia del Lionello, du nom de l’architecte local qui construisit cet hôtel de ville, au XVe siècle, en s’inspirant très habilement du Palais Ducal. Vraiment, cet ensemble, au-dessus duquel s’élèvent le campanile de l’église Sainte-Marie et les imposantes murailles du château, constitue l’une des plus séduisantes visions que réservent aux touristes les petites cités d’Italie. Il est seulement dommage que le Municipe ait été presque