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Si maintenant, revenant vers la place, par une ruelle, qui jadis devait être la rue des loges, des nations faisant du commerce à Famagouste, nous voyons les restes d’un bâtiment de la renaissance italienne ; peut-être la loge des Génois, et en face, deux chapelles jumelles, séparées seulement l’une de l’autre par une ruelle étroite. L’une d’elles, celle du nord, serait, d’après M. Enlard, la chapelle des Templiers, datant de la fin du XIIIe siècle ou du commencement du XIVe, et l’autre, celle des Hospitaliers, remonterait à peu près à la même époque : « En 1308, comme nous l’apprend Florio Bustron, la maison du Temple, avec leur église consacrée à Saint-Antoine, furent saisies et données à l’Hôpital. »

Ces deux monumens se composent d’une nef et d’une abside. L’une et l’autre ont sur leur façade un porte-bannière de pierre, comme c’était l’usage alors en Chypre, et à l’intérieur, il reste des traces de peintures.

Le large portique de quatre arcades, donnant sur la place en face de la cathédrale, avait autrefois un étage supérieur : c’était l’entrée du palais reconstruit sous les Vénitiens, peu de temps avant la prise de la ville par les Turcs. Dans le fond de la cour, on voit les murs d’un bâtiment remontant à la même époque ; sur la gauche, les restes d’une construction gothique servant maintenant d’écurie aux chevaux du corps de la police.

Le palais, dont la date de fondation n’est pas connue, remanié à plusieurs reprises, très endommagé par le siège de 1571, est, pour ainsi dire, totalement en ruines.

Il fut habité par Pierre Ier qui avait une prédilection particulière pour Famagouste et, sans doute, c’est dans ses salles, que ce grand roi reçut les chevaliers qu’il emmena à la prise d’Alexandrie en 1365.

Le jeune Pierre II y fut gardé à vue par les Génois, en 1373.

En 1463, Jacques le Bâtard y rentrait en vainqueur après la prise de la ville, et dix ans plus tard, il y mourait, sans doute empoisonné, comme son fils posthume devait l’être quelques mois après. À partir de 1489, le palais fut habité par le provéditeur vénitien et c’est par sa grande porte que sortit, en 1571, Marco Bragadino allant en grande pompe au camp de Mustapha Basso pour y signer la capitulation de Famagouste. Nous savons que, peu d’heures après, il devait être ramené garrotté, accablé