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gants, car, en France en particulier, le trafic de la parfumerie était entre les mains des maîtres gantiers, à qui Philippe-Auguste octroya des statuts en 1190. Enfin, il y avait les tapis, les fils d’or, les magnifiques étoiles de soie (drap d’or de Cypre) dont beaucoup, brochées ou soutachées de métal, étaient fabriquées à Nicosie et à Famagouste ; il y avait aussi la soie grège, les camelots, le coton, les caroubes, le vin de Chypre regardé comme le roi des vins. Le pèlerin J. de Vérone nous signale, dans sa relation, la violence de ses effets : « Il y a en Chypre un vin qu’on nomme Marea. Si quelqu’un le boit pur, sa chaleur lui brûle les entrailles, bien qu’au goût, il ne paraisse pas aussi fort ; aussi, lorsqu’on veut en boire, doit-on en mélanger un verre avec quatre verres d’eau. » Enfin, l’île exportait des quantités considérables de sel et de sucre. En une seule année, les Vénitiens gagnèrent avec le sel plus de 300 000 ducats.

Quant au sucre retiré de la canne, cultivée surtout aux environs de Limassol et de Paphos, on le fabriquait généralement au milieu des plantations appartenant au Roi, aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem et plus tard aux Cornaro. Les Vénitiens étaient également les principaux acheteurs de cette denrée qu’ils répandaient ensuite dans toute l’Europe, dans des caisses contenant seize pains, enveloppées de toile de canevas et cordées.

A ces produits variés et précieux, dont les prix étaient, élevés, l’Europe n’avait à offrir, en échange, que ses draps de France, de Lombardie, des Flandres ; ses toiles de France ; du corail, du fer, de l’étain ; des vins d’Italie, de Grèce ; de la quincaillerie et de la mercerie de Milan.

Des rues bruyantes dont nous parlions tout à l’heure, il n’en reste que bien peu de chose. A peine, pour quelques-unes d’entre elles, est-il possible d’en suivre le tracé. Des palais, des loges, des maisons luxueuses de jadis, il ne reste pour ainsi dire plus rien : maintenant, des chèvres broutent, sur leurs emplacemens, l’herbe délicieusement parfumée, le printemps de la nature a remplacé l’hiver d’une très vieille cité.

Dès 1518, Jacques Le Saige, de Douai, aborde à Famagouste et il écrit déjà : « Elle est petite et il y a des logis les plus exquis qu’il est possible, mais ils sont destruicts. » Depuis ce temps, sa destruction s’est achevée ; Larnaca et surtout Port-Saïd