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Puissances, et entre toutes l’Autriche-Hongrie, ont indiqué, précisé et, en même temps, limité les points où leur action devait s’exercer. Elles se sont réservé la solution d’un certain nombre de questions et, du même coup, ont exclu les autres. Nous sommes très loin de méconnaître les intérêts spéciaux de l’Autriche dans les affaires balkaniques ; nous les avons même énoncés très nettement alors que la presse française paraissait les négliger ouïes ignorer ; mais de ces intérêts, la Conférence des Ambassadeurs a tenu un si grand compte qu’on se demande ce que l’Autriche peut encore revendiquer. Dès le début, l’Europe, pour lui donner satisfaction, a admis que la Serbie ne s’étendrait pas jusqu’à l’Adriatique ; puis elle a décidé que Scutari resterait à l’Albanie : enfin, elle s’est réservée de régler la question des frontières albanaises à laquelle il a fallu joindre celle des îles de la Méditerranée. C’est beaucoup et, à notre sentiment, c’est assez. Pour le reste, l’Europe a laissé entendre aux pays balkaniques qu’ils pouvaient s’arranger comme ils voudraient. Ils viennent de le faire et, maintenant que l’accord s’est établi entre eux, l’Europe, leur retirant rétrospectivement la liberté partielle qu’elle leur avait reconnue, interviendrait pour corriger leur œuvre ? Encore une fois, où en serait la raison ?

La France, dès le premier moment, a proclamé dans cette affaire le principe de non-intervention et s’y est tenue exactement. Attitude prudente, car, de quelque manière qu’on s’y prenne, il est impossible de contenter les uns sans mécontenter les autres, et si on se crée des amis dont la constance reste incertaine, on risque de se donner des ennemis plus tenaces. Il faut donc laisser faire quand il n’y a pas un intérêt de premier ordre à empêcher, et où est ici cet intérêt pour nous ? La Russie a cru en apercevoir un pour elle à marcher d’accord avec l’Autriche : puisse-t-elle ne pas se tromper ! L’Autriche et la Russie n’ont pas, d’ordinaire, une grande inclination politique l’une pour l’autre, mais, dans le cas actuel, l’amour de la Bulgarie les rapproche et la Russie ne peut pas supporter l’idée que l’Autriche la dépasse dans l’expression de ce sentiment. Cela peut la conduire loin, car l’Autriche aimant la Bulgarie contre la Serbie, n’a d’autre but que de diviser les Slaves des Balkans, politique qui ne peut pas être celle de la Russie. La Russie a des ménagemens à garder dont on ne s’embarrasse pas à Vienne. Il serait habile aussi de sa part d’en témoigner, et même beaucoup, à la Roumanie qui, justement fière de son œuvre, éprouverait sans nul doute une impression pénible à la voir compromise. Le roi Charles et l’empereur Guillaume viennent d’échanger