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L’instinct qui force les êtres à s’unir pour la reproduction est dominateur, et dirige une grande partie de leurs actes. Même chez l’homme, en qui la civilisation et la raison étouffent et transforment les instincts naturels, l’amour sexuel est un des plus grands mobiles de la vie. La littérature, le théâtre et les arts n’ont guère d’autre objet que l’amour. Les guerres civiles ou internationales qui déchirent l’humanité seraient bien autrement cruelles, si, comme au temps des Sabines, des guerres devaient être entreprises pour conquérir ou ravir des femmes.

Les animaux supérieurs autres que l’homme, quand il s’agit de luttes sexuelles, se livrent des combats acharnés. Entre deux cerfs pour une biche, le combat n’est pas moins ardent qu’entre deux loups pour un quartier de venaison.

Tourguéneff parle quelque part des deux démons souverains qui président aux destinées du monde : l’ange de la faim et l’ange de l’amour ; tous deux également inexorables et tyranniques ; imposant leur volonté à tous les êtres qui peuplent la terrestre planète, leurs esclaves, quels qu’ils soient. La vie de l’individu est régie par le démon de la faim ; la vie de l’espèce, par le démon de l’amour.

Chez les êtres inférieurs, chez les végétaux microscopiques l’instinct n’existe plus ; mais l’énergie des forces reproductrices reste tout aussi puissante. Dès qu’ils ont un aliment, les germes pullulent avec une activité de végétation prodigieuse. Il suffit de quelques heures pour que des milliards, de milliards de bactéries se développent, toutes prêtes à en produire d’autres, qui se développeront à leur tour avec la même facilité.

Si les alimens étaient en quantité suffisante, s’il ne se faisait pas une destruction d’êtres, parallèle à la prolifération, en quelques années les mers seraient comblées, et les terres envahies.

Le caractère de toute cellule vivante, c’est que constamment elle tend à croître et s’accroître en fixant les élémens chimiques du milieu où elle évolue. Non seulement elle vit, mais elle lutte pour la vie, et tend à vivre. Elle porte en elle-même des activités chimiques qui s’exercent avec force sur les élémens inanimés, carbone, oxygène, azote, hydrogène, qui sont à sa portée ; et qu’elle s’efforce de s’adjoindre, de s’assimiler.

Et non seulement dans l’espace, mais encore dans le temps ; car, ne pouvant pas indéfiniment s’accroître, cette cellule se