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un juron, quelque loustic le narguait par une facétie qui amenait l’hilarité ; les uns chantaient la Marseillaise, d’autres, véritables mélomanes, s’abritant sous des tentes déployées et tendues en parapluies à l’extrémité de quatre fusils, chantaient en chœur des morceaux fort bien exécutés, ma foi[1] ! »


X

Jusqu’à ce moment, l’armée de Mac Mahon avait perdu son temps, mais elle n’avait pas été réellement exposée. Un pas de plus, elle allait au contraire au-devant d’une catastrophe certaine. Fatiguée, mal organisée, démoralisée, elle était hors d’état de venir à bout de trois armées, qui, à défaut de toute supériorité autre, avaient celle du nombre et l’ascendant moral et la confiance que donnent la victoire. Il était évident qu’on ne pouvait rien pour Bazaine, que si on avait pu, sans déraison, songer à lui tendre la main après une sortie heureuse de Metz, il était insensé de tenter de le dégager de Metz, dès qu’il y restait cerné. En s’obstinant dans une entreprise qui n’avait aucune chance en sa faveur, on était certain de ne pas sauver l’armée de Metz et de perdre celle de Châlons, Mac Mahon, avec la clairvoyance d’un vieux soldat, se rend compte de la réalité et, avec une sagacité non moins lucide, il se met en mesure de la conjurer. La route de Paris par Mézières restait libre : il décide d’y engager son armée. Il ordonne au 1er corps d’armée de se diriger sur Mazerny ; au 12e sur Venderesse ; au 5e sur Poix ; au 7e sur Chagny. Il télégraphie au commandant supérieur de Sedan (3 h. 25 m. soir) d’employer tous les moyens possibles pour faire parvenir au maréchal Bazaine la dépêche suivante :

« Le maréchal Mac Mahon prévient le maréchal Bazaine que l’arrivée du prince royal à Châlons le force à opérer le 29 sa retraite sur Mézières, et de là à l’Ouest, s’il n’apprend pas que le mouvement du maréchal Bazaine soit commencé. »

Enfin il communique ces arrangemens à Palikao (8 h. 50 minutes soir) : « La 1re et la 2e armée, plus de 200 000 hommes, bloquent Metz, principalement sur la rive gauche ; une force évaluée à 50 000 hommes serait établie sur la rive droite de la Meuse pour gêner ma marche sur Metz. Des renseignemens

  1. Vidal, Campagne de Sedan.