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circonstances ; enfin, trop grand nombre de pairs choisis, sous le dernier règne, dans le commerce, l’industrie, la finance, qui n’ont pas le prestige des vieilles familles et n’accomplissent, ni eux, ni leurs femmes, leurs devoirs de grands propriétaires territoriaux, avec la conscience qu’y apportent les pairs vraiment grands seigneurs. Quoi qu’il en soit de ces multiples raisons, une chose est certaine, c’est que, soit par les Unionistes, soit par les Libéraux, la Chambre des Lords sera réformée. Ce sera l’œuvre de la prochaine session.

Si elle est réformée par les Libéraux, ce sera dans un sens absolument démocratique, ainsi que le porte le préambule du Parliament Act qu’ils ont fait voter en 1911. Ils supprimeront l’hérédité de la pairie, feront peut-être disparaître la qualification elle-même et institueront un Sénat électif, qui deviendra, comme l’est devenue la Chambre des Lords actuelle depuis le Parliament Act, une assemblée sans autorité et sans vigueur, n’ayant d’autre droit que celui d’un veto suspensif.

Si la réforme est opérée par les Unionistes, assurément ils rendront à la Chambre des Lords tous ses anciens droits, mais quelle sera sa composition ? On se souvient que lord Lansdowne a fait voter ou du moins laissé voter par la Chambre des Lords, en 1911, un projet proposé par lord Rosebery et renouvelé de celui qu’en 1888 il avait déposé et soutenu dans un admirable discours où il conseillait aux Lords de ne pas laisser échapper l’occasion et de « saisir aux cheveux le Temps, ce pouvoir fugitif qui ne fait jamais halte. » Ce projet prévoit, pour la nouvelle Chambre des Lords, trois origines différentes. Les uns seraient nommés par un collège spécial, composé des pairs anglais héréditaires. C’est ainsi que sont nommés aujourd’hui les pairs écossais. Les autres seraient des grands fonctionnaires, enfin les autres seraient nommés par un collège électoral spécial et restreint : les conseils de comté, et les conseils municipaux des grandes villes. Il semble donc que ce projet, accepté par le leader des Unionistes à la Chambre des Lords, doive être celui que les Unionistes reprendront quand ils arriveront au pouvoir. Aussi n’ai-je pas éprouvé un médiocre étonnement, alors qu’il y a quelque temps déjà, un homme considérable du parti unioniste m’a dit que, le jour où les conservateurs reviendraient au pouvoir, ils ne pourraient peut-être pas maintenir le principe de l’hérédité, même dans la composition du collège électoral