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L’élection est celle de Leicester. Elle se présente dans des conditions assez particulières. La circonscription est depuis longtemps inféodée aux Libéraux. En cinquante ans, elle n’a nommé qu’une fois un conservateur. A la dernière élection, le candidat libéral l’avait emporté avec une majorité de 4 000 voix. Les chances du candidat unioniste pouvaient donc paraître très faibles. Mais ce qui a compliqué la situation, c’est qu’un candidat socialiste est venu se jeter à la traverse. Or on sait qu’en Angleterre, il n’y a pas de second tour de scrutin et que, dans ce qu’on appelle les three cornered elections, le candidat qui a la majorité relative l’emporte. Peut-être bien le candidat socialiste enlèvera-t-il au candidat libéral assez de voix pour faire passer l’unioniste. Sentant le péril, le Comité directeur parlementaire du Labour Party a enjoint au socialiste de se retirer : mais celui-ci n’a eu cure de cette interdiction et s’est maintenu sur les rangs. Il y a là un symptôme grave pour l’avenir, car, si, aux élections prochaines, les socialistes, les Labourists, les Travaillistes, de quelque nom qu’on veuille les baptiser, se séparent des Libéraux, ou plutôt, pour les appeler du nom qu’ils méritent, des Radicaux, et si, dans le pays, ils cessent d’obéir au Comité directeur qui siège à Londres, la face des choses sera singulièrement changée. Aussi, le résultat de l’élection est-il attendu avec curiosité. On le saura demain.

Mes journaux consciencieusement lus, je vais flâner.

Je me dirige cette fois vers la Cité. On s’occupe de faire disparaître les traces de la fête ; on démolit les échafaudages ; on replie les drapeaux. L’arc de triomphe, où était inscrit sur un cartouche le mot : Tutoyons, qui a fait couler beaucoup d’encre, car on s’est demandé si c’était du bon français, a disparu. Les rues reprennent leur aspect habituel d’animation commerciale. J’entre un instant à Saint-Paul, ce panthéon des gloires militaires anglaises, où se sont cependant glissées les statues de quelques célébrités littéraires ou artistiques, entre autres celles de Johnson et de Reynolds, et que les Anglais n’ont pas laïcisé. Au pied du monument de Wellington, je remarque une couronne de fleurs, récemment posée par une société de vétérans. Serait-ce une protestation muette contre le drapeau tricolore qui flotte sur la maison du vieux guerrier ?

En sortant, je rencontre une suffragette qui vend un journal. La vignette du journal représente une figure symbolique qui