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offensif s’il fût resté sur son flanc droit et Kellermann sur son flanc gauche. On pouvait tirer un grand parti des défilés de l’Argonne, mais non en essayant de les défendre avec un faible corps d’environ 20 000 hommes, et il eut mieux fait de laisser sa petite armée à portée et sous la protection des places de Mézières, Stenay et Montmédy, d’attirer à lui des renforts de l’armée du Nord, autant qu’il pourrait le faire, sans compromettre cette frontière, et de ne commencer son attaque qu’après que l’ennemi aurait franchi les défilés de l’Argonne pour s’en emparer et couper ses communications avec Luxembourg en opérant en arrière de sa droite, tandis que Kellermann opérerait en arrière de sa gauche, pour les lui couper avec le pays de Trêves[1]. » Si Dumouriez n’a pas perdu son armée, c’est que Brunswick ne l’a pas voulu.

Le plan de Palikao reposait sur cette donnée que les trois colonnes de l’armée de Mac Mahon arriveraient le 26 août à Verdun par des marches rapides et se trouveraient en position de combat le 27, n’ayant en présence qu’une armée du prince de Saxe, inférieure à l’armée de Mac Mahon. Cette supposition n’était pas exacte, quoique encore aujourd’hui elle soit adoptée par presque tous les historiens militaires. En réalité, l’armée du prince de Saxe était supérieure à celle de Mac Mahon, car elle se montait à 138 000 hommes. Eût-elle été réellement inférieure, nos affaires n’eussent pas été meilleures. On est toujours maître de refuser une bataille et c’est ce que le prince de Saxe eût fait : il se serait replié en arrière, vers la position indiquée de Damvillers en disputant le terrain pied à pied. De son côté, le prince Frédéric-Charles, après avoir laissé plus de monde qu’il n’en fallait pour retenir Bazaine, aurait vivement renforcé le prince de Saxe et la bataille se serait engagée, du 28 au 30, dans des conditions au moins d’égalité ; nous n’eussions pas tardé à être menacés sur notre flanc ou pris à dos par l’armée du prince royal. Tout ce ramassis de chimères allait être emporté par ce fait que la route de Verdun était irrémédiablement coupée à Bazaine.

Palikao en vint alors à un second plan pire que le premier. Il n’indiquait plus à Mac Mahon le point fixe vers lequel il devait se diriger. À sa propre appréciation, suivant les renseignemens

  1. Gouvion-Saint-Cyr, introduction.