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fut sans bornes. Les plus riches habitans de Tyr avec le baile royal Adam de Cafran abandonnèrent leur ville le jour même du 18 mai malgré ses magnifiques remparts, sa triple enceinte de murailles épaisses de vingt-cinq pieds, défendues par douze tours les plus fortes, les mieux construites qu’il y eut jamais.

Ces fuyards laissaient en arrière, dans leur terreur irraisonnée, femmes, enfans, vieillards, en outre toute la population pauvre. Dès le lendemain, 19 mai, Tyr fut occupée sans résistance par un corps sarrasin sous le commandement d’Izz ed-din Bena. Saïda, l’antique Sidon de Phénicie — que les Templiers avaient acquise de leurs deniers, et où s’étaient réfugiés quelques-uns des leurs échappés de Saint-Jean-d’Acre, — comptant sur le secours promis par le grand maître Thibaut Gandin, réfugié en Chypre, songea d’abord à résister. Ses habitans mettaient leur principal espoir dans leur superbe château, puissamment augmenté par le roi saint Louis. Il était situé dans une ile, ce qui en augmentait la force. On se mit à le fortifier fiévreusement encore, mais à l’approche des troupes de siège de l’émir Alam ed-din Sindschar Schoughaï qui, après avoir investi la ville de toutes parts, se disposèrent à attaquer aussitôt la forteresse, les Templiers, se sentant trop peu nombreux, s’enfuirent les uns à Tortose, les autres en Chypre. Saïda, aussitôt occupée par les Infidèles, fut immédiatement démantelée ainsi que son château insulaire dès la fin de mai ou le milieu de juin. — De même encore pour la forte cité de Baruth, l’antique patrimoine des Ibelin, la Beyrouth actuelle, le même Alam ed-din Schoughaï, après avoir, par de fallacieux discours, promis aide et sûreté aux habitans accourus sans défiance, les fit traîtreusement en partie massacrer le 21 juin, en partie conduire en esclavage à Damas et en Egypte. Peu de jours après, le 10 juillet, tomba encore Kaïfa, au pied du couvent du Carmel, dont les moines furent égorgés eux aussi durant qu’ils chantaient le Salve Regina. Le monastère fut détruit de fond en comble.

A la nouvelle de tant de désastres successifs, les habitans d’Athlit où se trouvait un des plus forts châteaux du Temple, de Tortose aussi, si puissamment fortifiée, de Djebaïl enfin, l’antique Byblos, s’enfuirent dans le courant d’août, abandonnant leurs villes à la dévastation, a II ne resta dans la Palestine, dit Makrizi, que les chrétiens qui se soumirent à payer le tribut.