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causes réunies eurent tôt achevé, malgré les débuts les plus brillans, de paralyser les forces de résistance de cette garnison cependant si pleine d’énergie et de courage. Il en fut surtout ainsi à partir du 4 mai, lorsque de terribles salves de feu grégeois et une grêle effroyable de pierres énormes se déversèrent heure après heure, jour après jour, sans un instant de répit, sur la malheureuse cité chrétienne.

« Les vivres, dit à peu près M. de Mas Latrie, régulièrement apportés du dehors par mer, ne manquaient point ; mais l’espoir du succès, que l’énergie de la défense avait donné d’abord, s’était affaibli. On avait déjà fait passer en Chypre une grande partie des femmes et des vieillards. Il restait encore dans la ville de très nombreux combattans. On réparait bien aussitôt les portions de murailles abattues par les machines des assiégeans. Les pierres ou le temps venant à manquer, on fermait les brèches au moyen de fortes estacades de bois ; on improvisait un rempart avec des sacs de coton et de laine, derrière lesquels on continuait à combattre avec acharnement ; mais les assiégés ne pouvaient plus arrêter les travaux des mineurs, qui s’avançaient vers la Tour du roi Henri et sapaient, en même temps, les fortifications en dix endroits différens. On remarqua aussi, dans ce siège mémorable, des compagnies d’artificiers arabes qui, une fois parvenus à la portée du trait, jetaient avec ensemble le feu grégeois sur les chrétiens, pendant que les archers, dont la fumée cachait la position, faisaient pleuvoir dans leurs rangs une grêle de traits. D’autres lançaient des projectiles en faïence ou en terre cuite en forme de grenades, qui contenaient un mélange détonant : au moindre choc, la grenade éclatait, projetant en tous sens ses fragmens meurtriers. »

Toutefois, dans ce même jour du 4 mai, alors que ce siège terrible durait depuis un mois et que les galeries des mineurs avaient atteint déjà le pied de la Tour du roi Henri, les assiégés virent avec une joie profonde arriver enfin par mer un secours précieux : c’était le, roi Henri de Chypre qui accourait à leur aide avec une petite armée montée sur une flottille d’environ quarante navires. Les sources diffèrent beaucoup sur l’importance de ce corps auxiliaire. Marino Sanuto parle de deux cents chevaliers et de cinq cents hommes de pied. L’archevêque Jean de Nicosie, au dire du même auteur, accompagnait son souverain. Tous ou presque tous les auteurs sont en revanche