Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison du fait. Il retrouve, pour établir la loi du chemin parcouru par le grave, la démonstration du triangle de Nicole Oresme ; il étend la loi de la chute libre des graves à la chute des corps le long d’un plan incliné ; il accepte la notion parisienne de la loi d’inertie ; il explique la chute d’un grave lancé horizontalement, et indique, d’après Oresme, comment la rotation de la terre n’empêche pas les corps de paraître tomber selon la verticale ; il imagine enfin d’admirables expériences sur les oscillations du pendule et ouvre par là à la mécanique des perspectives nouvelles. Mais, toujours, c’est à prouver la vérité objective de la thèse copernicaine que tend son effort. Aperçoit-il les deux planètes des Médicis, il montre qu’elles jouent à côté de Jupiter le rôle de la Lune près de la Terre ; s’occupe-t-il des marées, il prétend rendre raison de leur flux par l’action de la force centrifuge développée sur la Terre par la rotation terrestre ; découvre-t-il les taches du Soleil et les montagnes de la Lune, il y voit la preuve que les corps célestes sont analogues aux nôtres, comme le veulent Buridan et Copernic. Il s’improvise théologien pour convertir les princesses et les consulteurs du Saint-Office ; et ce grand génie affiche une pauvreté surprenante pour établir le dogme qui lui tient si fort au cœur : il n’y a et il n’y aura jamais que deux hypothèses aptes à expliquer les apparences astronomiques, celle de Ptolémée et celle de Copernic ; comme l’expérience établit que la première est fausse, il s’ensuit nécessairement que la seconde est vraie, objectivement, κατὰ φύσιν. Galilée postule que le monde géométrique, où le raisonnement par l’absurde est de mise, est identique à tout le donné ! Et quelle idée bizarre se forge ce chrétien de la toute-puissance de Dieu ! Malheureusement pour lui, malheureusement pour la Science, j’ajoute : malheureusement pour l’Église, le Saint-Office acceptait à la légère la théorie luthérienne et averroïste que recommandait Aristote et semblait recommander la Bible : il oubliait l’évêque de Lisieux et le « cardinal allemand » pour prôner le géocentrisme ! Il condamnait Galilée à deux reprises, 1616 et 1633. Et, les deux fois, — c’est ici que cette lamentable histoire devient piquante, — l’Église catholique ne condamnait l’héliocentrisme copernicain qu’en tant que Galilée lui attribuait une valeur physique objective. Le 12 avril 1615, Bellarmin spécifie très précisément ce point dans sa lettre à Foscarini ; pareillement, après