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d’Aristote, pieusement transmise à travers les siècles par l’école averroïste, surexcitée encore par la ferveur des humanistes, favorise aussi la diffusion d’un tour d’esprit dogmatiste et simpliste. — Pourquoi ne pas ajouter, enfin, qu’un certain affaiblissement de la pensée chrétienne à cet âge a souvent concouru avec les deux influences qu’on a dites ; pour beaucoup de savans il semble que tout problème se pose alors en forme de dilemme, que Dieu n’ait jamais eu le choix qu’entre deux hypothèses seulement, et que l’expérience révèle laquelle des deux il a choisie et réalisée[1] L’esprit, scientifiquement si fécond, de la génération de 1277, parait mort.

La conséquence de la résurrection du dogmatisme fut que la doctrine copernicaine se vit bientôt discutée du point de vue métaphysique.

Du point de vue scientifique, ses adversaires avaient désarmé de bonne heure : tant il était évident qu’elle sauvait mieux les apparences, qu’elle s’accordait mieux avec l’expérience, qu’elle expliquait mieux les phénomènes, que l’Aristotélisme et le Ptoléméisme. Ceux mêmes qui demeurent fidèles à la cosmologie ancienne et continuent d’affirmer l’immobilité de la terre, fondent leurs calculs sur les idées du chanoine de Thorn : tel Erasme Reinhold qui construit les Prutenicae tabulae, 1551, qui contribue grandement, par là, à propager le nouveau système, et qui « n’y croit pas ! » Tels, encore, Schreckenfuchs et Wursteisen en Allemagne, Piccolomini et Gesalpini, Giuntini et Benedetti, Grégoire xiii et la commission du calendrier [1582], en Italie. Pour ne pas renoncer tout à fait au géocentrisme séculaire. Aristotéliciens et Ptoléméens recourent donc, maintenant que l’expérience se retourne contre eux, à cette théorie relativiste des Parisiens qu’ils abandonnaient si allègrement, à qui mieux mieux, au début du xvie siècle ! La préface d’Osiander par où s’ouvrait le livre de Copernic, et qui le présentait avec adresse sous le couvert de cette théorie, les invitait du reste, implicitement mais effectivement, à suivre cette tactique.

Mais, du point de vue métaphysique, Copernic est âprement combattu. Ses prétentions réalistes, trop imparfaitement voilées, provoquaient, il faut le reconnaître, les tendances

  1. C’est l’idée, assez saugrenue, que se forge de la méthode expérimentale le pauvre chancelier Bacon !