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ordinaire qui dispute à Nicolas de Cues l’honneur d’apparaître comme le plus génial disciple des Maîtres parisiens : je veux dire Léonard de Vinci (1452-1519). Le peintre italien, comme le « cardinal Allemand, » prolonge, et fait fructifier, l’effort des chercheurs français. On commet la plus grave erreur en voyant en lui un autodidacte : nul n’étudia plus passionnément les travaux de ses devanciers, ceux notamment de Nicolas de Cues, d’Albert de Saxe et des Jordan ; observateur sagace, méditatif obstiné, il fécondait leurs théories les unes par les autres ; pourquoi faut-il que le poids de certaines erreurs averroïstes ait paralysé l’essor de sa pensée ?

Voici les principales théories qu’il recueille et précise. De la statique des Jordan il déduit la loi de composition des forces concourantes, de celle d’Albert de Saxe la loi du polygone de sustentation et le centre de gravité du tétraèdre ; même, il découvre la loi d’équilibre de deux liquides de densités différentes en des tubes communicans, et aperçoit peut-être la loi hydrostatique dite de Pascal. La dynamique de l’impetus et de la loi d’inertie emporte son assentiment ; mais c’est par l’action du milieu qu’il veut expliquer, avec Aristote, l’accélération de la chute des graves. Il affirme que la vitesse d’un corps qui tombe librement est proportionnelle à la durée de la chute, mais il ne sait pas fixer le rapport de celle-ci au chemin parcouru. Avec beaucoup de bonheur, d’autre part, il tire des principes de Buridan que le vol des oiseaux ne saurait être comparé à la natation des poissons, qu’il est une alternative de chutes et de rebondissemens dus à la force élastique de l’air. Enfin il admet les théories de Nicolas de Cues touchant l’économie de l’univers, celles de Nicole Oresme touchant la pesanteur et le mouvement diurne de la terre, celles d’Albert de Saxe touchant l’érosion et la géogénie : ses observations très sagaces au sujet des fossiles font de lui le créateur de la stratigraphie.

V. — quelles furent les vicissitudes et les victoires de la science parisienne (1519-1631)

Nicolas de Cues et Léonard de Vinci, assumant la tâche que les maîtres de Paris auraient dû remplir, ont empêché de disparaître et souvent fait fructifier les principes de cette Science parisienne qu’ont formulés ou aperçus Buridan, Albert de Saxe,