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tables et des éphémérides, constatent peu à peu que, si le système des épicycles et des excentriques est préférable à la théorie des sphères homocentriques, il s’en faut qu’il sauve toutes les apparences et explique tous les phénomènes ; ils en viennent à chercher autre chose. Ils osent même abandonner la réserve d’Hipparque et de saint Augustin ; et, oubliant que, d’un même phénomène, plusieurs systèmes divergens peuvent également rendre compte, ils veulent voir dans l’exacte superposition d’une théorie donnée à des observations constatées un critère de vérité absolue. — D’autres, il est vrai, n’hésitent pas, en revanche, à rendre à Ptolémée le même culte idolâtrique que recevait autrefois Aristote[1].

Parmi les disciples que recruta en Allemagne la Science parisienne, nul ne saurait être comparé à Nicolas de Cues. Né au petit village de ce nom, sur la rive droite de la Moselle, au diocèse de Trêves, le jeune homme va étudier à l’université de Heidelberg en 1416 ; le droit, la théologie, les sciences l’attirent ; son érudition, sa vertu le mettent hors de pair. Devenu archidiacre de Liège, il n’hésite pas à se ranger aux côtés des papes dans la bataille que leur livrent, sous le couvert de l’idée conciliaire, l’orgueil et l’ambition des princes. Eugène iv, Nicolas v, Pie ii l’emploient souvent au cours de leur œuvre réformatrice : en décembre 1448, il est nommé cardinal du titre de Saint-Pierre-aux-Liens ; en mars 1450, évêque de Brixen. Chassé par les moines tyroliens dont il veut restaurer les mœurs, il meurt en exil à Todi, 11 août 1464. Ce réformateur intransigeant était un libre disciple de Platon et de saint Augustin, du pseudo-Aréopagite et de saint Anselme : en toute créature il cherchait, et trouvait, une image, à peu près reconnaissable, du Dieu Triple et Un. On devine que le Péripatétisme ne dut pas longtemps le charmer : la logique même lui en avait déplu ; il avait assis la sienne, et tout son système, sur le principe de l’identité des contraires. Il accepte donc les théories parisiennes, notamment celles de l’impetus et du mouvement diurne de la terre :

  1. Voyez la polémique d’Achillini contre Capuano, commentateur enthousiaste de Peurbach et de Ptolémée [1495, Theorice nove planetorum] : Achillini tient pour la vérité objective d’Aristote [1494, Quatuor libri de orbibus]. Pour tous deux, la vérité absolue peut être atteinte : l’accord avec l’expérience est le critère du succès, de la vérité, pense le Ptoléméen Capuano ; l’accord avec la Physique péripatéticienne, riposte l’Aristotélicien Achillini, donne seul cette garantie.