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en cinq, quinze, trente minutes ; on doit pouvoir y travailler devant l’ennemi, pendant le feu, au milieu des boulets. » Les Allemands le firent dans cette journée même : ils mirent en état de défense les localités occupées par eux, telles que les bâtimens de Vernéville, Sainte-Marie, la ferme Saint-Hubert.

Aux 2e, 3e corps d’armée, commandés par des officiers d’artillerie et du génie, on n’y avait pas manqué : dès le matin, on s’était mis à remuer de la terre, à creuser des retranchemens, à établir des redoutes et à augmenter, par cette fortification de campagne, les forces de résistance de la position ; les fermes de Moscou et du Point-du-Jour avaient été organisées défensivement comme des ouvrages avancés ; les chemins allant de la grande route au bois des Génivaux avaient été utilisés ; partout des abatis, de grosses pierres superposées en guise de murailles, des tranchées-abris, des épaulemens pour les batteries. Au 4e corps d’armée commandé par un officier d’infanterie, on avait fait un peu, mais pas assez. On avait fait encore moins au 6e corps : on avait gratté superficiellement le sol, élevé quelques tranchées-abris. Aucune défense sérieuse du côté de Raucourt ; on n’avait pas même barricadé les entrées du village de Sainte-Marie. Canrobert n’avait pas son parc de génie ; mais qui l’empêchait de réclamer d’urgence des pelles et des pioches au grand parc de l’armée et au génie de la réserve, de même qu’il réclamait des munitions ? Il pouvait aussi prendre les outils des paysans et les mettre eux-mêmes à réquisition comme travailleurs<ref> Moltke prétend que cela caractérise la manière dont l’armée française avait été pourvue de ses services : preuve nouvelle de l’ignorance de Moltke quand il parle de nous ; cette pénurie tient seulement à la retenue qui avait été faite à Châlons du parc du 6e corps à la suite de la dernière des pérégrinations qu’on lui avait fait opérer et pas du tout à l’organisation générale de l’armée française. </<ref>.

Toutefois, une fortification passagère n’eût pas suffi à rendre solide la position du 6e corps d’armée. On remédie quelquefois au défaut d’appui pour les flancs par des crochets en arrière : ce système est dangereux, en ce qu’un crochet inhérent à la ligne gêne les mouvemens et que l’ennemi, en plaçant du canon sur l’angle des deux lignes, y causerait de grands ravages. « Une double réserve, disposée en ordre profond, derrière l’aile qu’on veut mettre à l’abri d’insulte, semble mieux remplir le but qu’un crochet. »

« C’est à droite, dit Moltke, qu’incontestablement on aurait