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taire leur artillerie dont le feu, de plus en plus nourri, obligea la nôtre à ralentir le sien et même à faire dessiner à nos pièces un mouvement rétrograde que notre infanterie fut obligée de suivre. Les fermes de Moscou et du Point-du-Jour étaient en flammes.

Steinmetz enivré crut alors qu’il ne s’agissait plus que de poursuivre un ennemi en retraite et qu’une attaque directe sur notre droite obtiendrait immédiatement la solution triomphante que Moltke n’attendait que du mouvement tournant que devait exécuter l’armée de Frédéric-Charles. Il prend des dispositions fort habiles : il envoie à Jussy une brigade qui, en inquiétant Bazaine sur ses communications avec Metz, détournera son attention de la partie la plus importante du champ de bataille. Et il ordonne à Manteuffel, établi à Courcelles-sur-Nied, de se rapprocher de la rive droite de la Moselle et, par son artillerie, de tenir lui aussi Bazaine en alarmes. Puis il ramasse toutes les troupes fraîches des VIIe et VIIIe corps, leur fait traverser le ravin et les lance sur les hauteurs. Elles emportent d’abord toute résistance, éteignent nos batteries, refoulent nos bataillons ; Steinmetz est si sûr de la victoire qu’il demande à la division Hartmann (cuirassiers et uhlans) de s’apprêter à la poursuite sur les hauteurs. Il annonce ces bonnes nouvelles au Roi qui, de Flavigny, transporte son quartier général plus près du combat heureux, sur la hauteur Sud-Est de Rezonville (3 heures), puis encore plus près au Nord-Ouest de Gravelotte (4 heures), cette fois-ci presque sur la ligne de bataille, contrairement à toutes les règles qui interdisent à la haute direction d’une armée de trop s’approcher des combattans et, en se laissant absorber par les petites fractions, de négliger l’ensemble.

Alors un mouvement d’offensive de Le Bœuf et de Frossard, où reparut toute l’indomptable énergie de nos braves soldats, déconcerte, détruit les espérances de Steinmetz et du Roi ; le feu de notre mousqueterie et de nos mitrailleuses arrête l’ennemi, l’écrase, le rejette dans le ravin de la Mance ; nos essaims de tirailleurs le déciment. Le bois des Génivaux et le bois de la Folie, protégés inébranlablement par les divisions Neyral, Metman et Montaudon, pris et repris plusieurs fois, restent entre nos mains. Le général Lapasset tient ferme à Sainte-Ruffine, même lorsque le poste est dominé par l’occupation des crêtes de Jussy. En vain les Prussiens reviennent à la charge sans se