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une bataille sérieuse, même défensive, et qui, dans son cours, peut devenir offensive, une des principales attentions du général en chef est de tenir sous son commandement sa réserve compacte, de manière à s’en servir au moment opportun. Nous avons blâmé Frossard d’avoir transféré au général Bataille le soin de disposer sans lui de la réserve et de l’avoir coupée en deux. Bazaine fait pis : il retient au Saint-Quentin l’artillerie de réserve de la Garde composée de quatre batteries et la réserve générale, douze batteries, en tout quatre-vingt-seize bouches à feu intactes, mais inoccupées. Il émiette cette infanterie sans pareille qui, à elle seule, était une armée ; il place la première division de voltigeurs à Châtel-Saint-Germain, la deuxième brigade à Saint-Quentin : « Il veut donc, s’écrie Bourbaki, que je ne commande qu’à des tambours ! » Et il écrit au maréchal : « L’ordre d’envoyer une brigade pour appuyer les 2e et 3e corps d’armée va être exécuté sur-le-champ. La division de voltigeurs est désignée pour opérer ce mouvement. J’ai cru utile d’appeler l’attention de Votre Excellence sur ce fait inhérent à la nature humaine que tout commandant de corps d’armée, attaqué ou simplement menacé par l’ennemi, est disposé à réclamer sur-le-champ des secours. S’il était donné suite aux demandes de ce genre, la Garde impériale se trouverait bientôt disséminée et ne serait plus en mesure de produire le résultat sérieux qu’on est en droit d’attendre d’elle... Dans le cas présent, monsieur le maréchal, la (Jarde impériale réunie, ayant la totalité de ses corps, divisions ou brigades, placés dans les mains de ses chefs directs, pourrait produire un victorieux effort, quelles que fussent vos intentions ; il serait au contraire matériellement impossible de compter sur la Garde pour obtenir le résultat, si elle se trouvait répartie en un certain nombre de points de la ligne de bataille. »

Napoléon eût approuvé cette lettre : il a dit à Gouvion Saint-Cyr : « Lorsque les corps les plus à proximité sont engagés, je les laisse faire sans m’inquiéter de leur bonne ou mauvaise chance ; j’ai seulement grand soin de ne pas céder trop facilement aux demandes de secours de la part de leurs chefs. » Et il cita comme exemple Lutzen où Ney lui avait demandé les plus prompts renforts, ayant encore deux divisions qui n’avaient pas donné ; dans la même affaire, un autre maréchal lui en avait aussi demandé avant d’avoir un ennemi devant lui. Nonobstant