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alliés balkaniques. Tel est aussi, semble-t-il, le sentiment de la Russie. Nos lecteurs se rappellent qu’il avait été question, entre les ministres des quatre pays, d’une conférence qui devait avoir lieu à Salonique. Dans son télégramme aux rois de Bulgarie et de Serbie, l’empereur Nicolas exprime le regret qu’elle n’ait pas eu lieu. Depuis lors, le gouvernement russe a insisté pour que les quatre ministres vinssent à Saint-Pétersbourg. A toutes ces suggestions ou invitations il est difficile de dire quelle réponse a été ou sera finalement faite. Les nouvelles des journaux sont confuses, variables, quelquefois contradictoires. De refus positif, il n’y en a pas. D’acceptation formelle et définitive, pas davantage. On avance, on recule. Chacun tient des conditions en réserve. Au milieu de tout cela, le gouvernement russe a le mérite de ne pas se décourager. Il maintient son affirmation d’arbitrage. Il invite les ministres à se rendre à Saint-Pétersbourg. Malheureusement, le désaccord persiste entre Belgrade et Sofia ; l’opinion continue de s’énerver et de s’exciter et, ce qui est encore plus grave, les armées, qui sont aujourd’hui en présence, en viennent déjà aux mains.

Ce dernier danger, déjà réalisé, n’est pas celui qui cause le moins d’inquiétudes. Le gouvernement serbe l’avait pressenti ; il avait témoigné de ses intentions pacifiques en proposant le désarmement simultané des trois quarts des deux armées. On ne saurait trop regretter que cette proposition n’ait pas été acceptée et surtout exécutée : si elle l’avait été, la confiance serait aussitôt revenue, les esprits se seraient calmés, l’arbitrage se serait exercé dans une atmosphère apaisée. Mais nous sommes loin de là ! Le gouvernement bulgare n’a pas repoussé la proposition serbe ; il s’est contenté d’y mettre une condition difficile, sinon même impossible à accepter, à savoir que, dans les territoires contestés actuellement occupés par les Serbes, on mettrait des garnisons mixtes, mi-partie bulgares et mi-partie serbes. Qui ne voit que ce serait organiser le conflit armé ? Il n’y avait aucune vraisemblance à ce que le gouvernement serbe accueillit cette combinaison. Le gouvernement bulgare ne l’en a pas moins proposée au gouvernement hellénique, et, naturellement, avec le même insuccès. Jusqu’à ce que l’arbitre ait prononcé, chacun conservera ses positions actuelles. Ce qui arrivera ensuite, il serait bien téméraire de le prédire. Pour le moment, la situation se résume ainsi : — Acceptez comme base de l’arbitrage le traité de 1912, dit la Bulgarie à la Serbie. — Non, répond la Serbie, et elle demande à son tour à la Bulgarie d’accepter le désarmement des trois quarts des forces en présence. —