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l’autre, il y a entre les quantités transformées un rapport constant. Par exemple, lorsque du mouvement se transforme en chaleur (comme quand le feu jaillit entre deux pierres choquées) ou lorsque l’inverse a lieu (comme dans la machine à vapeur) un travail de 425 kilogrammètres correspond toujours à l’utilisation d’une grande calorie[1]. Il existe des rapports constans analogues entre les autres formes d’énergie.

Le principe de la conservation de l’énergie a dominé, — nous serions tenté de dire tyrannisé, — toute la science du xixe siècle. Celle-ci a cru longtemps pouvoir en faire jaillir, comme conséquence inéluctable, l’éternité de l’Univers. Puisqu’en effet les diverses formes d’énergie contenues dans le monde se transforment indifféremment les unes dans les autres et que leur somme reste constante, le monde ne devait-il pas nécessairement repasser, périodiquement et sans fin, par une série d’oscillations grandioses, du chaos à l’harmonie ? Les savans de l’autre siècle vivaient dans une atmosphère bien faite pour leur faire adopter cette vue. Lavoisier avait proclamé la conservation de la masse dans les opérations chimiques. Laplace avait cru pouvoir, à grand renfort d’intégrales, démontrer la stabilité du système solaire… sans apercevoir l’illogisme qu’il y avait a priori à voir démontrer cette stabilité par celui-là même qui, dans son Exposé du système du monde, avait montré magnifiquement notre système naissant de la nébuleuse primitive, puis évoluant sans cesse à partir d’elle. Fourier avait célébré, comme conclusion de ses travaux fort beaux de mécanique céleste, « un monde disposé pour l’ordre, la perpétuité et l’harmonie. » Henri Poincaré n’était pas encore né, qui devait montrer les fissures de tout ce bel édifice de stabilité céleste.

Il n’est donc pas étonnant que le premier principe de la thermodynamique ait pu faire croire pendant longtemps à la stabilité énergétique de l’Univers, à sa permanence, à son invariance.

Mais voilà que le second principe de la thermodynamique longtemps oublié puis longtemps méconnu, est venu depuis peu reviser ce procès que l’on croyait clos. C’est une bien curieuse histoire, celle du principe de Carnot. Énoncée en 1824, dans l’ouvrage que publia celui-ci sur la Puissance motrice du feu et qui passa complètement ina-

  1. Rappelons que le kilogrammètre est le travail qu’il faut accomplir pour élever d’un mètre un kilogramme, et que la grande calorie est la chaleur nécessaire pour faire monter de 0° à 1° la température d’un litre d’eau.