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Veau qui tette, place du Châtelet, avec deux cents convives (en ce temps de banquets, nul ne fut honoré de plus de banquets que Cabet), le 19 mai 1833. C’est ensuite la Société pour la défense de la liberté de la presse, constituée vers la fin de 1832, pour contribuer à payer les amendes des journaux et généralement « venir en aide à tous les hommes de lettres condamnés comme auteurs d’écrits séditieux. » C’est encore la Société d’action, que dirigent des hommes de main, le capitaine Kersausio ou Kersosie, Barbès, Sobrier, Blanqui ; la Société de propagande ou Commission de propagande, qui a pour objet principal des coalitions d’ouvriers ; on lui dut en partie la grande grève de la fin de 1833, laquelle s’étendit aux typographes, mécaniciens, tailleurs de pierres, cordiers, cochers de fiacre, cambreurs, gantiers, scieurs de long, ouvriers en papiers peints, bonnetiers, serruriers, et n’intéressa pas moins de « 8 000 tailleurs, 6 000 cordonniers, 5 000 charpentiers, 4 000 bijoutiers, 3 000 boulangers. » Et c’est enfin la Société du Père André, elle aussi plus ou moins filiale des Droits de l’homme, « occupée spécialement de la publication, du colportage et de la vente des écrits démagogiques. » En province, c’est à Lyon, la société des Mutuellistes, antirévolutionnaire à ses débuts et que les agités ou les agitateurs se proposèrent pour tâche de débarrasser de ses « préjugés » et de faire déchoir de sa sagesse ; le Comité invisible..., ce nom seul je pense... la Société du progrès, les Hommes libres, les Francs-Maçons, les Unionistes, les Concordistes, les Ferrandiniers, etc. ; à Aix, à Marseille, la Cougourde, de fâcheuse réputation ; à Chalon-sur-Saône, à Clermont-Ferrand, un peu partout, des succursales de la Société des Droits de l’homme.

L’esprit des ouvriers recevait de tous côtés de continuelles secousses. S’ils étaient malheureux, c’est que la législation n’était faite ni par eux, ni pour eux ; ils n’y pouvaient voir que le reflet de l’égoïsme bourgeois : telle était la leçon que leur donnait la Boutade d’un riche à sentimens populaires. Blanqui l’avait déjà dit, au procès de janvier 1832 : « Ceci est la guerre entre les riches et les pauvres, les riches l’ont voulue, parce qu’ils ont été les agresseurs, les privilégiés vivant grassement de la sueur des pauvres. La Chambre des députés est une machine impitoyable qui broie vingt-cinq millions de paysans et cinq millions d’ouvriers, pour en tirer la substance qui est transfusée dans les veines des privilégiés. Les impôts sont le pillage