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réfléchit et dicta l’ordre suivant : « L’armée continuera son mouvement sur Verdun, mais seulement après le retour des reconnaissances envoyées au petit jour. » Et il comptait aller de sa personne opérer cette reconnaissance.

Si l’armée avait été organisée selon les règles du simple bon sens, le commandant de l’artillerie et l’intendant général, tenus au courant heure par heure, pour ainsi dire, de ce qui se passait dans leur service, seraient venus au rapport au quartier général, à la fin de la bataille, sans même que Bazaine eût à les appeler, et ils l’auraient mis au courant de l’existant en munitions et en vivres. Ils n’auraient pas pu, ne les ayant pas encore reçus, fournir des renseignemens sur le chiffre des munitions et des vivres consommés dans la journée, mais ils auraient été en mesure d’indiquer les disponibilités qu’ils avaient sous la main, plus que suffisantes à parer aux consommations prochaines, quelles qu’elles pussent être.

Dans l’incertitude, Bazaine envoie un de ses aides de camp prier le général Soleille de prescrire que les voitures, qui avaient emporté les blessés à Metz, soient aussitôt rechargées de munitions. L’intendant Préval étant venu se justifier de certains reproches que le maréchal lui avait adressés le matin, Bazaine lui demande : « Savez-vous l’existant à Gravelotte ? » Il l’ignore. Mais il offre de se rendre à Metz et d’en ramener les convois qui y attendent. Le maréchal y consent, et Préval, accompagné de deux sous-intendans, se met en route, vers neuf heures le même soir, vers Metz. Peu après, le général Desveaux, de la Garde, apporte au maréchal le renseignement très inquiétant que des forces considérables arrivaient sur le plateau de Mars-la-Tour par la route de Novéant. Et Le Bœuf, de son côté, en félicitant Bazaine de sa victoire, lui écrit que « des masses prussiennes prennent des dispositions de bivouac en arrière du champ de bataille qu’elles occupaient. »

Enfin un messager du général Soleille, son chef d’état-major, le colonel Vasse-Saint-Ouen, survient. Le général, qui, d’habitude, marchait en voiture, étant monté à cheval, était tombé et, meurtri, gardait le lit. Vasse-Saint-Ouen s’assied à côté du maréchal. Avec une allure confidentielle, en regardant s’il n’y avait pas d’oreille indiscrète, il lui tient ce langage : « Je viens de la part de mon chef, le général Soleille, vous avertir qu’à son estimation, et d’après les renseignemens qu’il a déjà recueillis, la