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pour que l’alliance devînt possible. Bulgares et Grecs sont séparés par des haines séculaires qui datent des temps lointains où le clergé grec travaillait à helléniser les Slaves, tenait leurs prêtres dans la plus grossière ignorance et détruisait les anciens livres liturgiques en langue slavonne ; contre l’oppression du Grec, le Slave faisait appela la justice du Turc dont l’argent du Grec faussait les balances. Pour un Hellène, le Bulgare est le barbare, le paysan grossier, incapable de culture raffinée et de civilisation ; les Grecs disent qu’il n’y a pas, en Macédoine, de question de race ; le citadin, le commerçant, le marin, l’homme des professions libérales, c’est le Grec ; le paysan, le jardinier, peinant sur sa charrue ou courbé sur sa houe, c’est le Bulgare. Avec le Turc, lourdaud et vénal, on peut toujours s’arranger ; la domination du Bulgare serait l’abomination de la désolation. Entre le Grec et le Slave, surtout le Slave bulgare, plus rude et plus brutal, il y a incompatibilité d’humeur. Les Grecs ne se sont pas jetés avec enthousiasme dans la guerre qu’ils ont eu l’adresse de terminer si avantageusement pour eux ; beaucoup d’entre eux allaient répétant que la vraie politique du royaume devait être l’entente avec les Turcs ; l’alliance avec les Balkaniques, c’était la politique de M. Venizelos, une « politique crétoise, » non pas une politique hellénique. Sous le régime turc, les Grecs pouvaient étendre leur influence, accroître leurs conquêtes « culturelles ; » on les trouvait dans toutes les villes du littoral, même dans la Mer-Noire, à Constantinople, à Smyrne, dans les îles ; un partage ne les satisfera jamais, car même là où ils ne revendiquent pas les droits de la population hellénique, ils réclament les droits de l’hellénisme, de « l’idée, » foyer et ferment de la civilisation. : Répandus sur toutes les côtes de l’Empire, ils seront nécessairement lésés par un partage, si favorable qu’il soit pour eux, et ils sauront bien faire entendre leurs doléances. Les événemens de Macédoine ne sont pas si éloignés qu’ils n’aient laissé de cuisans souvenirs. N’oublions pas que, depuis 1902 jusqu’à la révolution de 1908, la Macédoine a été mise à feu et à sang par les bandes adverses : Grecs et Bulgares se combattaient avec un acharnement indicible pour le plus grand profit des Turcs qui favorisaient leurs discordes et régnaient sur les ruines des uns et des autres. Dans les pays où la population est exarchiste, les autorités ottomanes fermaient les yeux sur